Le Métropolitain

Une assemblée générale sous haute tension pour l’ACFO

Comme il avait été convenu lors de l’assemblée générale annuelle du 9 décembre dernier, une assemblée générale extraordinaire a été convoquée par l’ACFO London-Sarnia pour faire adopter ses états financiers datés du 31 mars 2016. Celle-ci s’est tenue le 16 février au Carling Heights Optimist, un centre communautaire de London.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette rencontre s’est déroulée dans un climat de controverse. Plus de 30 personnes étaient présentes et plusieurs étaient très soupçonneuses quant à la situation financière calamiteuse qui afflige l’organisme, ce qui s’est traduit par de nombreuses questions et quelques commentaires acerbes.

D’entrée de jeu, un membre de l’assistance, Gérard Roy, a manifesté son étonnement de ne pas voir à l’ordre du jour un point consacré à la recherche de solutions. M. Roy, qui a une formation en comptabilité, est le fondateur de l’ACFO London-Sarnia et y a notamment occupé le poste d’agent de développement.

Marie Sonia Albert, une ancienne membre du conseil d’administration ayant écopé bien malgré elle des déboires de l’organisme, a proposé que l’étude des solutions possibles soit incluse à l’ordre du jour, ce qui fut adopté. Au cours de la soirée, M. Roy et Mme Albert allaient être les deux intervenants les plus coriaces face au directeur général, Gaston Mabaya.

Ce dernier fut apostrophé par Marie Sonia Albert quant au fait que le conseil d’administration (CA) semble étrangement peu intéressé à assumer ses tâches. « Comment tu fais pour travailler si t’as pas de patron? Qui te gère? », a-t-elle demandé au directeur général. D’ailleurs, des administrateurs, seule Anne Toth était présente à l’assemblée. La question du CA est revenue sur le tapis à quelques reprises, entre autres par l’entremise de Denis Poirier et Rita Giroux-Patience qui, comme d’autres membres de l’assistance, étaient interloqués par son invisibilité et son mode de nomination atypique.

Bien qu’il y ait, selon M. Mabaya, cinq personnes au conseil d’administration, soit le minimum pour qu’il y ait quorum, la mesure de leur engagement est demeurée un mystère pour l’assistance. Le directeur général a d’ailleurs admis qu’il n’y avait toujours pas de président ni, non plus, de trésorier.

Mais le coeur du problème et la raison d’être de cette assemblée extraordinaire étaient les états financiers. C’est à cette question que les gens ont consacré le plus de temps. Roch Brazeau, comptable de la firme Marcus & Associates, était dans l’inconfortable position de devoir répondre à la plupart des questions en s’assurant de ne pas s’aventurer au delà de son mandat. Marie Sonia Albert, qui en avait visiblement gros sur le coeur, a tenté de reconstituer avec lui le fil chronologique des difficultés financières de l’ACFO. Au grand soulagement de Mme Albert, le comptable a confirmé que les problèmes avaient débuté après son départ du CA en 2012. M. Brazeau a également affirmé que la gestion des payes, dont les arriérés de retenues à la source non versés à Revenu Canada constituent la principale source des ennuis de l’organisme, est de la responsabilité du directeur général.

Invité à clarifier l’origine des troubles financiers de l’ACFO, Roch Brazeau a expliqué que lorsque l’organisme était à cours d’argent, il versait le salaire net aux employés mais sans verser les retenues à Revenu Canada. Ces retenues étaient d’approximativement 10 000 $ par période de paye, de sorte que les dettes à l’agence fédérale augmentaient rapidement. Dès 2013, la direction générale a été avisée de la gravité du problème par la firme comptable lors d’une rencontre à cet effet, au cours de laquelle l’importance de rectifier la situation a été soulignée.

Le problème s’est néanmoins poursuivi et la firme comptable a envoyé des lettres aux membres du CA en 2014, 2015 et 2016 pour les aviser de l’état des choses mais en vain. Comme l’a indiqué quelqu’un dans l’assistance, la composition du conseil d’administration changeant fréquemment, il ne devait pas s’y trouver grand monde pour comprendre la situation et en faire le suivi.

Bien que la probité des états financiers préparés par M. Brazeau ne soit pas remise en cause, Gérard Roy a critiqué l’absence de notes explicatives. Selon lui, davantage de détails auraient été les bienvenus, surtout pour justifier des dépenses qui autrement paraissent exorbitantes, tels les 30 942 $ en déplacements et frais de réunions ou les 9492 $ relevant de la catégorie « Divers ».

M. Roy a également jugé que le comptable aurait dû faire preuve de plus d’initiative lorsque des irrégularités se sont manifestées : « Il aurait été extrêmement sage de demander d’avoir une rencontre avec, au minimum, le président et le trésorier pour les mettre au courant de la situation ». Lorsqu’il y a mauvaise gestion, un employé est partie prenante et peut ne pas constituer une source d’information impartiale pour le CA, a expliqué M. Roy.

Dieufert Bellot, un membre de l’assistance, a demandé si l’ACFO faisait toujours affaires avec ADP, une entreprise spécialisée dans la gestion de payes. On lui a répondu que c’est en effet le cas. Mais M. Brazeau a précisé que « les mois où il n’y avait pas assez de fonds pour faire la paye, ils [l’ACFO] arrêtaient la paye avec ADP pour écrire les chèques manuellement », ce qui a mis la puce à l’oreille de quelques personnes dans l’assistance. Cependant, le comptable a précisé qu’à sa connaissance, tout était fait dans les règles.

Confrontée à la gestion pour le moins chaotique de l’ACFO, la possibilité d’une fraude n’a pas tardé à être ouvertement évoquée par l’assemblée. Les états financiers ont néanmoins été adoptés, faute de mieux pour l’instant, à la suite de quoi Gaston Mabaya s’est fait rassurant : « La gestion comptable de l’ACFO est assurée selon les normes. Il n’y a rien qui échappe au conseil d’administration ».

Pour illustrer la transparence des procédures, M. Mabaya a insisté sur le fait que les chèques requièrent deux signataires reconnus à la banque. Il s’est alors demander par Marie Sonia Albert pourquoi elle a figuré pendant des années comme signataire alors qu’elle n’était plus au CA, ce à quoi le directeur général n’avait pas d’explication.

En se fondant sur son expérience, Gérard Roy a suggéré que l’ACFO demande l’aide de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). L’organisme provincial dispose sans conteste de ressources importantes et de contacts politiques qui pourraient s’avérer utiles. La gestion des payes et le choix d’une firme comptable pourraient également lui être confiés. « Jamais je n’ai vu pareille catastrophe. Ce serait le temps de faire le ménage », s’est exclamé M. Roy.

Pour bien cerner la gravité de ce qui se passe, Suzanne Quinn, un membre de l’assistance, a demandé à M. Brazeau s’il avait déjà été témoin de problèmes financiers aussi importants pour un organisme de la taille de l’ACFO. Le comptable a répondu par la négative et a qualifié la situation d’« extrême ».

L’assemblée s’est conclue par l’adoption de certaines propositions. D’abord, il a été proposé et adopté de confier la préparation des états financiers 2016-2017 à la firme Marcus & Associates mais de ne rien décider pour l’instant en ce qui touche à ceux de l’exercice 2017-2018. Puis, les gens ont appuyé l’idée de se donner trois mois pour solliciter l’aide de l’AFO. Passé ce délai, si la réponse est négative, une nouvelle assemblée générale extraordinaire devra être convoquée pour décider de la suite des choses.

Malgré l’insistance de Marie Sonia Albert pour faire adopter une résolution prévoyant la fermeture de l’ACFO en cas d’échec des négociations avec l’AFO, et ce afin d’éviter une accumulation de dettes incombant aux anciens administrateurs, l’assistance a préféré écarter cette idée pour le moment. Il n’en demeure pas moins que la mort de cet organisme, après 34 ans d’existence, est désormais une sérieuse possibilité.

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