Le Métropolitain

Un tour du monde jazzy à l’Alliance française

Pour le deuxième rendez-vous de la série « Jazz en tête-à-tête », l’Alliance française de Toronto s’est faite agence de voyage musical, invitant le guitariste Éric St-Laurent et le percussionniste Michel DeQuevedo pour un programme intitulé Jazzmen sans frontières.

Éric St-Laurent ouvre le concert seul par un blues traditionnel. Totalement plongé dans sa musique, le guitariste emmène le public quelque part vers les tréfonds du Tennessee, la barrette métallique qui ceint son index glissant avec tact sur les cordes. On s’imagine sirotant un Jack Daniels 15 ans d’âge, lové dans une berceuse, regardant voguer les bateaux le long du Mississippi.

Le morceau, sans qu’on s’en aperçoive, se transforme en un fabuleux solo, la virtuosité d’éric St-Laurent s’étalant au grand jour en moins de deux minutes. Armé de son djembé, Michel DeQuevedo le rejoint alors sur scène pour Secret, sorti de l’album Ruby du trio que les deux amis forment avec le bassiste Jordan O’Connor. On est proche de l’ambiance d’un Ben Harper période « Welcome To The Cruel World », le groove en plus.

Destination Amérique latine ensuite, avec Hay Noches. Morceau plus doux empli d’un spleen latino, il pourrait sonner kitsch mais on est transporté par l’alchimie et le talent des deux musiciens. Place ensuite à une étape portoricaine avec Cachita, de Rafael Hernandez. Un Cuba libre, une chemise à fleurs, une vieille Cadillac turquoise : tant d’images qui jaillissent aussitôt. La basse ronflante d’Éric St-Laurent fait aussi poindre l’influence africaine dans la musique latino.

Le duo met alors cap vers le Canada pour une reprise surprenante de Hand In My Pocket d’Alanis Morissette qui voit Michel DeQuevedo se lancer dans un solo de djembé étourdissant. Dans le public, les têtes dodelinent en rythme, certains spectateurs, bouche bée, n’en croient pas leurs oreilles. L’ambiance monte d’un cran et, même si le premier volet de Jazz en tête-à-tête avec Marylin Lerner et Jane Bunnett avait déjà atteint des sommets, ça n’a jamais autant groové dans la Galerie Pierre-Léon. Mais à peine a-t-on le temps de reprendre ses esprits que déjà les deux comparses emmènent le public vers la dernière étape du périple avant la pause, le Brésil, avec Manha de Carnaval de Luis Bonfa et Antonio Carlos Jobim et le célèbre Black Orpheus du premier cité.

Après un verre de vin, quelques chips et beaucoup de demandes d’autographes de « Dale » (le nouvel album du Éric St-Laurent Trio), les spectateurs voient Michel DeQuevedo entamer la seconde partie par un véritable morceau de bravoure au djembé. Dans le public, les bouches s’ouvrent encore un peu plus de voir mille mains claquer sur le cuir, le percussionniste apparaissant presque comme un avatar de Vishnou tant la vitesse de frappe donne le tournis.

La prochaine étape du voyage nous amène justement en Inde avec Turquoise où la guitare se fait sitar, le djembé tablas et, soudain, c’est toute la majesté de Vârânasî en bordure du Gange qui se dresse devant les spectateurs.

Après une version étonnante de la Sonate pour piano en la majeur de Beethoven, un dernier crochet par l’Amérique latine avec Perdon et Si Tu Amor et un petit impromptu en hommage à Alain Perez (bassiste pour Paco de Lucia), il est temps pour les deux explorateurs de quitter le navire, devant une salle debout qui aura droit à un bouillant Rock With You en rappel. Sorte de Phileas Fogg et Jean Passepartout, Éric St-Laurent et Michel DeQuevedo n’auront cependant pas eu besoin de 80 jours pour emmener le public dans un grandiose tour du monde musical.

Photo : Michel DeQuevedo (à gauche) et éric St-Laurent

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