Richard Caumartin
Sujet complexe et choquant, la traite des personnes persiste toujours dans le monde. Au Canada, seulement en 2022, 528 cas de ce genre ont été enregistrés par les services de police et, de 2012 à 2022, 94 % des victimes étaient des femmes et des filles dont près de 70 % d’entre elles avaient moins de 25 ans.
Pour discuter de ce problème de société, Oasis Centre des femmes proposait le 22 février, à Toronto, un forum communautaire intitulé Sensibiliser, éduquer, agir, la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle.
Cette rencontre était animée par Jeanne Françoise Mouè, conseillère en développement stratégique et formatrice, qui a dirigé plusieurs projets importants dans sa carrière concernant l’offre de services essentiels pour les populations vulnérables.
Après le mot de bienvenue et les présentations d’usage, Mme Mouè a cédé la parole à la directrice générale d’Oasis, Dada Gasirabo. Elle a remercié les membres de l’auditoire pour leur présence au forum, le qualifiant d’un événement « qui revêt une importance capitale dans notre combat commun contre cette violation inacceptable des droits humains qu’est la traite des personnes ».
Mme Gasirabo a mentionné les initiatives, ressources et programmes mis en place par son organisme pour soutenir les victimes de violence : « En élargissant notre champ d’action pour aborder la traite des personnes pour des fins d’exploitation sexuelle, nous bâtissons sur ces fondations solides. Ce forum n’est pas seulement une étape supplémentaire, mais une évolution naturelle de notre engagement envers la protection des droits fondamentaux.
« Les défis que nous abordons aujourd’hui nécessitent une approche collective. Nous avons appris de nos expériences passées, et cette journée est une opportunité de mettre en lumière l’ampleur de la traite des personnes et d’explorer des solutions innovantes. »
Puis, les organisatrices ont montré un message enregistré du ministre des Services à l’enfance, Services sociaux et communautaires, Michael Parsa, qui a remercié Oasis et les autres organismes présents pour les services essentiels qu’ils offrent aux personnes vulnérables et aux victimes d’actes de violence sous toutes ses formes.
La maîtresse de cérémonie a présenté ensuite les invitées du forum, soit Romy Verge-Boudreau et Josée Mensales, policières au Service de police de la ville de Montréal et coordonnatrices du programme Les Survivantes dans l’escouade intégrée de Lutte contre le proxénétisme, une structure d’enquête unifiée au sein de laquelle les organisations policières travaillent de façon concertée afin de lutter efficacement contre le proxénétisme, la traite des personnes et la prostitution juvénile à des fins d’exploitation sexuelle, à l’échelle régionale, interrégionale, provinciale, interprovinciale et internationale.
Les deux policières ont projeté une vidéo produite par l’escouade contre la traite des personnes du Service de police de Toronto. Elle montrait une jeune femme noire qui, après s’être disputée avec sa famille en crise, s’est retrouvée à la rue sans argent ni place où aller. Elle s’est fait aborder par une autre jeune femme qui lui a demandé si elle avait faim puis lui a offert son aide en lui faisant croire que son petit ami pourrait prendre soin d’elle, la loger et lui fournir tout ce dont elle aurait besoin. De là, elle s’est faite embourbée dans le cercle vicieux de l’exploitation sexuelle. Une vidéo courte mais très bien conçue avec un message percutant.
« Vous savez, selon notre expérience, la majorité des proxénètes sont des hommes mais il y a de plus en plus de femmes et de filles de nos jours impliquées dans le recrutement », explique Romy Verge-Boudreau. Elle a aussi indiqué qu’au Canada, 50 % des personnes victimes de ce trafic sont d’origine autochtone, une statistique dont on n’entend jamais parler et qu’on ne voit pas dans les statistiques générales sur ce sujet.
Quant au programme Les Survivantes, il s’articule autour de l’intervention directe auprès des personnes mineures ou adultes qui sont exploitées sexuellement, ou à risque de l’être, ainsi qu’à leurs proches. L’approche adoptée est caractérisée par la concertation de plusieurs acteurs autour d’une même victime et d’un objectif commun.
Ce type d’intervention mobilise dans certains cas une survivante et toujours deux coordonnatrices policières ainsi qu’un intervenant social autour d’une même victime ou personne vulnérable désireuse d’améliorer sa situation. Il s’agit toujours d’une séance de soutien organisée de manière individuelle.
Autre invitée à cette discussion était Cindy Zamiska, superviseure des services en français aux Services à la famille catholiques de Durham. Travailleuse sociale et psychothérapeute, elle œuvre depuis plusieurs années dans le domaine de la violence basée sur le genre.
Avec une approche féministe, Mme Zamiska travaille auprès des personnes qui ont vécu la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Elle raconte qu’elle se sent « privilégiée que ces femmes l’invitent à les accompagner dans leur parcours vers la guérison ».
En conclusion, ce Forum a permis aux participants de repartir avec de l’information pertinente et des outils pratiques pour aider à lutter contre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle.
« Les personnes survivantes affirment qu’elles sont prêtes à faire la différence. Elles veulent montrer qu’il est possible de s’en sortir avec du soutien et de l’accompagnement. Par leur discours, elles donnent de l’espoir aux personnes en situation de vulnérabilité ainsi qu’aux divers intervenants », conclut Josée Mensales.
Photo : Josée Mensales