Le Métropolitain

Un événement riche en émotions pour l’équipe du Salon du livre

Richard Caumartin

La 31e édition du Salon du livre de Toronto (SLT) a pris fin le 3 mars à l’Université de l’Ontario français après une dernière journée remplie d’émotions pour les organisateurs et le public.

Le programme a commencé par un hommage à Paul Savoie, directeur général sortant du SLT, qui prend sa retraite après une dizaine d’années à la barre de l’événement littéraire. Ses collègues, amis et plusieurs auteurs ont animé cette rencontre informelle ponctuée de souvenirs et d’anecdotes.

Puis, en début d’après-midi, l’auteur-compositeur-interprète et premier poète lauréat francophone de la Louisiane, Zachary Richard, présentait son roman Les Rafales du carême. Il s’agit du premier roman de langue française publié par un auteur louisianais depuis 1894. Inspirée d’un fait divers réel, l’intrigue de cette œuvre fait découvrir au lecteur un monde complexe et inconnu au cœur des bayous à la fin du XIXe siècle.

La programmation s’est poursuivie avec En route vers le Mois de la Francophonie, où huit auteurs (Claude Guilmain, Martin Bélanger, Suzanne Kemenang, Paul Savoie, Soufiane Chakkouche, Didier Leclair, Marine Sibileau et Sophia Leopold-Muresan) lançaient la Semaine de la Francophonie.

Chacun d’eux a lu un passage d’une de ses œuvres et a répondu à la question lancée par Gabriel Osson : Qu’est-ce que la Francophonie représente pour vous? Certains ont affirmé que leur contribution majeure à la Francophonie était d’écrire en français et d’autres, que l’éducation est la pierre angulaire de celle-ci.

Pour sa part, le président du SLT, Valéry Vlad, a vécu toute une gamme d’émotions pendant les trois jours de l’événement.

« Cette fin de semaine a été parsemée de moments touchants, confie-t-il. Quand on voit des auteurs qui viennent de partout, que ce soit de l’Ouest, du Québec, des Maritimes ou de la Louisiane, on se rend compte qu’il existe ce même esprit de famille que l’on retrouve chez les auteurs franco-ontariens qui se connaissent depuis longtemps. C’est la première chose qui m’a marqué. »

« Ensuite, c’est la qualité des tables rondes et la qualité des interventions. C’était exceptionnel! Il faut dire aussi que les planètes étaient alignées cette année. Nous avons comme lieutenante-gouverneure une Franco-Ontarienne et, lors de la cérémonie d’ouverture, Édith Dumont nous a fait l’honneur d’être des nôtres aux côtés de Dyane Adam, qui a bâti cette université, et de Pierre Ouellette, recteur de l’UOF. Là aussi, on pouvait ressentir cet esprit de famille. »

Pour ce qui est de la participation du public, le président semblait plutôt satisfait. Lors de la discussion du samedi soir intitulée Histoire de la littérature francophone en Louisiane avec Zachary Richard et Barry Jean Ancelet, écrivain, professeur et folkloriste américain, il n’y avait plus de place dans la salle et Valéry Vlad a dû offrir son siège. « J’ai rarement vu cela ici en trois ans qu’il n’y ait plus de place pour s’asseoir, admet-il. Les deux auteurs ont grandement apprécié l’engouement », résume-t-il.

Parmi les nouveautés, les enfants avaient leur propre espace de lecture et de jeu, un endroit qui permettait aux parents de les laisser s’amuser et lire pendant qu’ils faisaient le tour des nombreux kiosques du Salon.

Cependant, une surprise de taille attendait le public en fin d’après-midi, au cours de la dernière discussion sur la Francophonie. En effet, Paul Savoie y a lu une nouvelle de la romancière, essayiste et poète Marguerite Andersen, décédée à l’âge de 97 ans le 1er octobre 2022.

À l’époque, Mme Andersen avait écrit un manuscrit de 80 pages qui était presque prêt à publier mail il fallait plus de textes. Elle s’était malheureusement foulé le poignet et ne pouvait plus écrire. Sa fille a alors téléphoné à Paul Savoie pour lui demander s’il pouvait aider sa mère à le terminer. M. Savoie est allé la rencontrer chez elle et, le premier jour, il lui dit qu’elle va écrire une nouvelle. Surprise, elle lui demande : « Qui va écrire cette nouvelle? ». Il lui répond : « Toi. On va trouver un sujet et tu vas écrire une nouvelle ». Elle a accepté et en regardant autour d’elle, elle aperçoit un chien qui dort et décide d’en faire sa nouvelle. Paul Savoie écrivait pendant qu’elle dictait et, une heure plus tard, la première nouvelle était écrite.

Ils en ont fait trois ce jour-là. Cette complicité littéraire a duré quelques semaines. Une douzaine de rencontres au total qui leur a permis de faire passer le nombre de pages à 160. La dernière nouvelle de cette œuvre parlait du sens de sa vie.

Avec son cellulaire, Valéry Vlad a documenté ce parcours sur vidéo chez elle le 6 mars 2022, à peine sept mois avant son décès. Elle y raconte ses voyages, ses débuts dans l’enseignement en Allemagne, le fait que ses trois enfants sont nés en Afrique, etc. Son père, qui était le fondateur de la Société des écrivains en Allemagne, était très fier de sa fille et souhaitait qu’elle devienne elle aussi écrivaine.

« Il est malheureusement mort avant de voir le fruit de mon travail », raconte Mme Andersen sur la vidéo. Elle s’est souvenue de son arrivée à Toronto et de son expérience au cours des différents SLT auxquels elle a participé.

« J’ai toujours des projets et sans projets, qu’est-ce que l’on ferait d’autre? J’aime que les gens lisent mes livres. Je suis très contente de tout ce qui s’est fait publier à Toronto et mon chemin était très, très beau! »

Bref, une belle surprise pour mettre un terme à l’édition 2024 du Salon du livre de Toronto.

Photo : De gauche à droite : Valéry Vlad, Zachary Richard et Paul Savoie

Exit mobile version