L’École secondaire Saint-Frère-André a fièrement présenté sa première comédie musicale Cyrano de Bloordale le 14 juin dernier, à 19 h 30. Les élèves reprendront la célèbre pièce de Cyrano de Bergerac dans une mise en scène moderne.Les adaptations modernes de pièces classiques sont très fréquentes. Le Cid, de Corneille, et son histoire d’amour, de duel, de haine de deux familles, de guerre et de passions; Roméo et Juliette, de Shakespeare, avec les mêmes ingrédients, ont tous subi une transformation plus ou moins réussie. Une transposition contemporaine, avec des changements de codes et quelques adaptations du texte.
Il faut dire que les thèmes de Cyrano de Bergerac collent parfaitement au monde des cultures urbaines. La virilité de la soldatesque gasconne n’est pas si éloignée de celle de la jeunesse des quartiers. La poésie de Cyrano, sa verve, sa plume, son verbe haut et son panache, sont des qualités prisées par les rappeurs. Les saillies verbales de Cyrano, entrées dans la légende littéraire, ne sont pas sans rappeler les punch lines des rappeurs d’aujourd’hui. On pense notamment à ce trait de bravoure de Cyrano qui répond gourmandement à l’insulte du Vicomte, qui lui donne du « Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule! » : « Ah?… Et moi, Cyrano Savinien-Hercule de Bergerac. » Le Vicomte est mouché, humilié, ne lui reste plus qu’à se retirer, penaud. Cyrano de Bergerac se bat autant avec sa plume qu’avec son épée. Avec les mots qu’avec le fleuret.
Le rythme que donne Rostand aux vers de sa pièce la rend facile à scander. On y ajoute des percussions, notamment corporelles avec une fluidité étonnante. Les réactions de la foule, toujours très présente dans Cyrano, est particulièrement adaptable à un contexte urbain et contemporain.
Pour cette pièce de théâtre, David Jager, enseignant de musique à l’école Saint-Frère-André, a fait appel au directeur artistique Jason Trucco. Celui-ci lui a proposé d’adapter Cyrano aux temps modernes : « Regarde le personnage de Cyrano : fort, fier, défiguré. Un homme seul contre toutes les faiblesses et vanités de la cour de France du XVIIe siècle. Il déteste la flatterie, le mensonge et l’art faux. Il se défend férocement contre cette atmosphère étouffante, même s’il doit rester tout seul, entouré d’ennemis. N’est-ce pas que ce personnage héroïque serait le même qu’un rappeur contemporain? »
Quant à la pièce, on peut en retenir un très beau jeu de lumières, qui a transformé la sage cafétéria de l’école en un espace à la belle esthétique urbaine. On retiendra aussi l’enthousiasme des acteurs, dont certains connaissaient assez leur texte pour ne pas avoir à le lire. On aurait simplement aimé qu’on leur demande de prononcer et de parler assez fort pour que tout le monde entende. Mais comme l’a précisé David Jager, nous n’avons pas assisté à un « produit final, mais à la naissance d’un nouveau projet ». Un nouveau projet en forme de « processus expérimental » dont le but serait « d’encourager les étudiants à suivre un chemin d’exploration profonde des grands textes et pièces de théâtre français. » Il y aura donc une suite, que l’on attend avec impatience!