Tous ceux qui ont déjà eu la chance d’assister à un exercice d’improvisation, que ce soit sur les planches avec des comédiens professionnels ou dans la rue avec des amateurs lambda, savent à quel point cet exercice est difficile. La pression exercée, parvenir à dénicher les bons mots au bon moment, faire vibrer la corde sensible du public; autant de défis qui révèlent généralement l’étendue du talent d’un artiste.
Toutefois, il existe un échelon supplémentaire à cet exercice, une particularité qui rend la réussite encore plus extrême. Il s’agit de « l’effeuilletage ». Derrière ce nom pour le moins particulier, se cache un principe aussi simple qu’ardu : les acteurs s’informent, une fois sous le feu des projecteurs, d’une saynète à jouer. À partir des spécificités de celle-ci, ils doivent improviser pendant une trentaine de minutes tout en veillant, bien sûr, à rester divertissants et cohérents avec l’histoire de base.
Ce concept « d’effeuilletage », mélangeant les termes effeuillage et feuilletage, trouve racine dans un spectacle intitulé Script Tease, réalisé par la troupe canadienne The National Theatre of The World. Plus précisément, ce sont ses deux membres Naomi Snieckus et Matt Baram qui sont à l’origine de ce projet, souvent qualifié de « cauchemar d’acteur et de rêve de scénariste ».
La ligue d’improvisation torontoise, Les Improbables, a repris ce concept plusieurs fois, avec succès. L’intérêt principal étant de parvenir à tout donner, de chercher au plus profond de soi la créativité nécessaire pour tenir une demi-heure. Barbara-Audrey Bergeron, directrice et co-fondatrice de la troupe, commente cette pratique particulière : « C’est l’année dernière qu’a eu lieu le théâtre avec effeuilletage pour la première fois en français à Toronto », dit-elle. Réalisé en collaboration avec les productions Némésis, ce spectacle spécial reviendra les 28 et 29 mars au Théâtre français, fruit du succès des représentations de l’an passé. « Les auteurs préparent des textes de deux minutes pour quatre improvisateurs, poursuit Mme Bergeron. On sélectionne ceux qui semblent être les plus indiqués pour eux, ils ouvrent l’enveloppe scellée sur scène puis jouent. » Les membres des Improbables se produisent en général toutes les deux semaines des spectacles de deux à cinq minutes. Alors, quand il s’agit de passer à 30 minutes, l’excitation est à son comble. « C’est un beau défi. C’est plaisant pour les acteurs de travailler leur personnage. C’est un exercice d’improvisation qui dépasse ce qu’on fait habituellement », conclut-elle.
Tous les amateurs de « théâtre extrême » auront donc tout loisir d’assister à ces impressionnantes démonstrations au Théâtre français. Une expérience intense qui pourrait bien susciter des vocations dans le public.
Photo : affiche du spectacle Effeuilletage, présenté par les Productions Nemesis et appuyé par le Centre francophone de Toronto