Le Métropolitain

Tensions au consulat de France de Toronto

Jean-François Gérard

Pour la reprise, les discussions entre collègues ont été animées chez la vingtaine de salariés du Consulat de France de Toronto. Le site Français La Lettre A a révélé qu’une enquête administrative entre janvier et avril 2022 avait ciblé l’institution. Cinq femmes (au minimum) ainsi que le vice-consul Yves Chauchat ont déposé des signalements à la cellule “Tolérance zéro” du ministère des Affaires étrangères concernant des comportements “harcèlement”, “climat apeuré” et “violences sexistes” du consul Tudor Alexis. Au moins quatre des plaignantes n’ont pas été auditionnées lors de l’enquête menée par l’ambassade à Ottawa. Au ministère des Affaires étrangères à Paris, l’inspectrice générale est désormais Kareen Rispal, ambassadrice au Canada entre 2017 et 2022, soit pendant la période d’arrivée de Tudor Alexis. L’enquête a conclu à des “torts partagés” entre le binôme à la tête du consulat et a proposé les services d’un coach. Tandis que le harcèlement “ne peut être confirmé”. “Nous sommes choquées d’apprendre les résultats de cette enquête dans la presse et que le harcèlement n’a pu être caractérisé”, réagit auprès du Métropolitain une des femme. Le Consulat et Tudor Alexis ont ignoré nos sollicitations.

En ce début d’année, le numéro 2 s’est vu notifier sa mutation anticipée en France “dans l’intérêt des services”. Un an plus tôt, Alexis Tudor avait été promu au rang de conseiller diplomatique “hors classe”, soit après les premiers signalements et juste avant le déclenchement de l’enquête. Une investigation de Radio Canada avec des témoignages permet de mieux circonstancier les faits adressés à Tudor Alexis. Par exemple, il a tenté de dissuader une membre de son équipe qui voulait dénoncer un geste inapproprié de la part d’un membre de l’entourage d’un ministre lors d’une visite, l’accusant en retour d’avoir commis une faute professionnelle. À une collaboratrice, il reproche en public une erreur dans un lieu de vote suite à une consigne qu’il a lui-même donné. Le média ON FR a également recueilli des témoignages similaires décrivant un supérieur “très toxique, narcissique et dangereux”. Mais d’autres salariés n’ont pas cette vision. “À aucun moment je n’ai observé une quelconque attitude dégradante, déplacée ou méprisante”, relate l’un d’eux. Toutefois, le conflit entre les deux chefs a déstabilisé les équipes, composées à 80% de femmes.

Avant la parution de l’article de Radio Canada, Tudor Alexis a lui-même écrit aux « partenaires » du consulat. Il estime que l’enquête a “prouvé [s]on innocence”. Il met la situation sur le compte d’un conflit “crée par le vice-consul et auquel [il] a dû mettre fin”, suivi de “représailles” de ce dernier qui aurait ainsi “enrôlé 5 témoins”. Yves Chauchat n’était pourtant pas le premier plaignant, mais son action et son statut hiérarchique ont donné plus de poids aux alertes. Tudor Alexis demande à son équipe “de garder intacte l’amitié que vous avez pour moi en attendant que la vérité soit établie”. Il estime que le rapatriement d’Yves Chauchat est lié au fait qu’il n’a pas suivi les séances de coaching.

Le mandat de Tudor Alexis à Toronto prend fin en juin. “Ce n’est pas tellement le sort de Tudor Alexis qui nous intéresse, mais la responsabilité de protection de l’administration face à ces situations. On espère donner de la force à d’autres femmes dans d’autres consulats, car le cas de Toronto n’est pas isolé“, conclut une plaignante.

Photo: Tudor Alexis, consul général de France à Toronto

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