C’est sur les routes sinueuses et escarpées de l’Atlas marocain que le réalisateur Oliver Laxe entraîne le spectateur lors de son nouveau long métrage, Mimosas.

De Cannes à Toronto
Après des débuts remarqués avec son premier film Vous êtes tous des capitaines, le réalisateur d’origine espagnol, qui a grandi à Paris et vit aujourd’hui au Maroc, réitère la prouesse d’une œuvre hypnotique qui sortira vainqueur de la Semaine internationale de la critique à Cannes cette année.

Avec Mimosas, le spectateur suit Hamed et Saïd, deux voyous touchés si ce n’est par la foi en tout cas par la croyance. La croyance qu’ils ont une mission à accomplir. Accompagnés de Shakib, personnage superbe à la fois imbécile heureux et grand sage illuminé, les compères transportent le corps d’un cheikh vers ses terres natales.

Une histoire qui sert en vérité d’excuse à Oliver Laxe pour embarquer les spectateurs dans un voyage mystique, à la recherche de « stupéfaction » comme le raconte le réalisateur au journal Le Métropolitain, lors de son passage à Toronto.
« L’intérêt est qu’ils [les spectateurs] comprennent qu’il n’y a rien à comprendre, explique en souriant le cinéaste. Il y a une vibration dans la géométrie des images qui maintient l’attention du spectateur. »

Entre stupéfaction et narration
Tel un relais entre « récit et stupéfaction », entre « récit et image », entre « clarté et ombre », Oliver Laxe joue avec le niveau d’interprétation du spectateur et le confronte au chaos pour qu’il découvre un nouveau mode de perception, un nouveau niveau d’écriture.
« L’image est quelque chose de puissant à laquelle il faut faire confiance, dit-il. Pour ne pas nier au cinéma, pour ne pas nier à l’art, on a laissé un peu de mystère. L’art est relié au mystère et à l’invisible. »

Les décors sublimés des montagnes marocaines, les chants religieux, mais bien sûr les thèmes du film – la mort, la foi – Oliver Laxe crée un univers sublime et sublimé à la fois apaisant et terrifiant.

« La foi nous rappelle que derrière toutes les choses il y a une respiration, une intelligence. Sentir cela provoque une inquiétude étrange, un goût de quelque chose qui est très familier à l’être humain. Soulever cette idée est l’un de mes objectifs en tant que réalisateur. »

Atteindre cette stupéfaction en annulant les espaces du temps et de l’espace afin d’atteindre une « création de l’abstraction, de la poésie » durant cette invitation au voyage.

Alors, le spectateur se laisse aller, il suit Hamed sans plus poser de question. Ce bandit qui ressemble au Christ, un bandit et son silence.
« On a travaillé dans une espèce de dépouillement narratif. Hamed, il a une âme très moderne entourée de miroirs déformants. C’est quelqu’un de très sensible, mais dans un contexte de collision modernité-tradition qui génère des monstres – ces miroirs déformants. Dans son regard, on sent la solitude de son âme. » Avec Hamed, le spectateur erre sur ces montagnes si belles, mais si terrifiantes. Et il les habite, pour ne plus jamais les quitter.

Laurence Stenvot