Le Métropolitain

Sous la surface des grands lacs

Jusqu’au 20 décembre prochain, l’Alliance Française de Toronto présente Les eaux calmes oublient, une exposition exceptionnelle du photographe canadien Alexandre Clemmer, sur le thème des grands lacs et des épisodes violents dont ils furent les témoins.

Il y a le Baïkal, majestueux, sauvage et pur; il y a le Titicaca, le plus haut du monde; il y a le Côme et le Majeur, si beaux qu’on en perd le souffle. Il y a le Victoria qui nourrit l’Afrique. Et il y a les grands lacs d’Amérique du Nord. Tous ces lacs ont la même particularité : offrir au regard un spectacle sublime de paix et de douceur.

Tout est lent, dans un lac. Tout est calme, tout est zen. Du moins en surface, car ces grandes étendues froides et profondes ont un autre point commun. À l’immobilisme de la surface répond une intense activité sous marine. Et si le lac reprend ses droits, il n’oublie pas que les hommes se sont servis de lui comme d’un terrain de bataille et, donc, d’un cimetière aquatique. Goulags et guerre civile pour le Baïkal, guerres coloniales pour le Titicaca et le Victoria, multiples campagnes d’Italie et guerres mondiales pour le Côme ou le Majeur. Et guerre de 1812 pour les Grands Lacs américains. Une guerre qui a en partie façonné l’émergence de deux nations : la nation canadienne et la nation américaine.

En passionné d’histoire, Alexandre Clemmer sait tout cela. Il sait que sous la surface du présent, le passé s’agite. Que si les rives sont calmes, il n’en fut pas toujours ainsi. L’empire britannique et les jeunes États-Unis d’Amérique s’y sont livrés à de terribles batailles navales. Destructrices et insatiables en vies humaines. Le récit de ces batailles accompagne des photographies qui respirent le calme le plus serein. Le contraste entre la paix du cliché et la tragédie du texte met le spectateur dans une position de tiraillement. Si les eaux calmes oublient, Alexandre Clemmer se souvient pour elles.

Au delà de la démarche esthétique de Clemmer, on sent la frustration de l’historien. Celle de ne pas pouvoir, ne serait-ce qu’une seule fois, jeter un coup d’œil, même furtif, au passé. Le photographe souhaiterait observer des événements qui ont eu lieu plusieurs décennies avant l’invention de la photographie.

Une exposition assez intéressante, mais dont les textes sont entièrement en anglais.

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