Le Métropolitain

Shalom

Shalom (paix en hébreu), c’est bien le message que Paul-Henri Rips souhaitait partager avec les quelque 45 élèves des écoles secondaires Collège français et Saint-Frère-André en ce lundi 5 novembre à la Bibliothèque de référence de Toronto. La bibliothèque, en collaboration avec la Fondation Azrieli, avait invité, dans le cadre de la Semaine de l’éducation sur l’Holocauste, Paul-Henri Rips à raconter comment il a survécu aux persécutions qu’ont subies les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

« C’est moi, quand j’avais 9 ans », déclare M. Rips quand il entre dans la salle en apercevant sa photo sur la couverture de son livre Matricule E/96. Pendant plus d’une heure, l’auteur va ensuite témoigner de sa rencontre brutale avec l’histoire en ce 10 mai 1940.

« Chic, pas d’école aujour-d’hui », songea alors le jeune Henri quand il fut réveillé par les premières bombes ce matin-là. L’enfance dorée du jeune garçon à Anvers ne présageait pourtant en rien des événements dramatiques qui allaient suivre. Jeune Juif de nationalité belge, M. Rips va voir son enfance bouleversée par la débâcle de 1940, les arrestations par les Nazis, une tentative d’évasion vers la ligne de démarcation et puis finalement la prison. Durant quatre ans, lui et sa famille devront se cacher pour ne pas tomber aux mains de la police allemande ou des collaborateurs. Malheureusement, six millions de ses coreligionnaires ne connaîtront pas le même sort et mourront dans les camps de concentration. Sa mère, sa sœur et sa grand-mère survivront, personne d’autre dans sa famille.

« Je n’y vois que des pierres tombales », constate avec tristesse M. Rips en répondant à la question de savoir s’il est retourné depuis en Belgique. Certains jours, M. Rips avoue qu’il est rempli d’amertume, mais il est aussi des jours où il est réconforté à l’idée que les futures générations n’auront pas les mêmes préjugés que ses contemporains. « J’espère que des voix s’élèveront pour dire : attendez un instant, tout ça est faux », insiste-t-il si jamais une vague de racisme voyait à nouveau le jour.

En entrant dans la prison de Bassines, le jeune Paul-Henri Rips choisit de nier qu’il était Juif quand un officier nazi lui posa la question. Sa réponse lui sauva la vie puisqu’il reçut alors le matricule commençant par E, voulant dire Entscheidungsnummer (numéro de décision) au lieu du T pour Transportnummer qui fut attribué à ceux qui allaient mourir dans les chambres à gaz. À la question de savoir à quoi il attribue sa chance d’avoir survécu, l’auteur préfère s’attarder sur le fait que le massacre des Juifs fut totalement insensé. « Un million et demi de petits enfants. Pourquoi? », demande-t-il à son auditoire. Chaque année, durant la première semaine de novembre, un certain nombre de manifestations prennent place pour marquer la Semaine de l’éducation sur la Shoah (terme hébreu qui désigne le génocide des Juifs).

« Nous essayons de développer chez les jeunes l’esprit critique pour qu’ils puissent réagir s’ils sont mis en présence de n’importe quelle idéologie dangereuse », explique Aurélien Bonin, responsable de la recherche et de l’éducation à la Fondation Azrieli.

Le niveau d’attention dans la salle tout au long de la présentation, la pertinence des questions ainsi que la longue file d’attente pour recevoir une dédicace de l’auteur laissent présager que le message fut parfaitement compris par les élèves de 10e année. « Ils sont ignorants et ne savent pas de quoi ils parlent », avait dit à Henri Sœur Pidoue, une religieuse qui prit soin de lui, alors que d’autres enfants se moquaient de sa religion. M. Rips a choisi de consacrer la dernière partie de sa vie à combattre les préjugés, précisément parce qu’il en fut la victime durant son enfance.

Matricule E/96, Paul-Henri Rips, Collection Azrieli des mémoires de survivants de l’Holocauste, 2009.

Photo : Paul-Henri Rips, survivant de la Shoah.

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