Alors que Toronto accueille et célèbre la Fierté mondiale, il existe dans le monde des pays où l’homosexualité est interdite par la loi, des lieux où les homosexuels se cachent et risquent même d’être tués. À l’occasion de Franco-fierté 2014, l’organisation torontoise FrancoQueer avait invité quatre personnes pour raconter leur vécu en tant qu’homosexuel, pour certains au Canada et d’autres en Afrique. Cette rencontre s’est déroulée au Ryerson Image Centre, un espace consacré aux arts médiatiques au sein du campus de l’Université Ryerson. En préambule, le public peut admirer deux expositions de photographies, elles aussi liées à la Fierté mondiale. What It Means to be Seen et Faces and Phases présentent des portraits de personnes LGBT à travers le monde.
« Ce que nous vivons ici à Toronto n’est pas la norme dans le reste du monde. Dans beaucoup de pays, les personnes LGBT sont rejetées et vivent constamment dans la peur et la crainte », soulignait Ronald Dieleman, le président de FrancoQueer avant de présenter les intervenants.
Odette Gough de Radio-Canada fut chargée d’animer la discussion.
Une fois la trentaine atteinte, Marie (nom d’emprunt) fut bombardée de questions. Pourquoi n’es-tu pas encore mariée? Quand vas-tu avoir des enfants? La jeune Congolaise vivait en fait son homosexualité de façon clandestine. À plusieurs reprises, elle refusa des propositions de mariage. Malgré son statut de médecin, elle dut se résigner à déménager avec sa conjointe dans un autre pays d’Afrique. Par peur de représailles, les deux femmes s’affichèrent comme colocataires et non en tant que couple. Dans beaucoup de pays d’Afrique, l’homosexualité est non seulement mal vue par la famille, mais elle peut mener à l’emprisonnement, voire même la mort. En mars dernier, Marie finit par rejoindre des proches parents déjà établis au Canada.
Carlos Idibouo a lui aussi vécu la discrimination dans son pays d’origine, la Côte d’Ivoire. Il se souvient que les actions pour aider les personnes atteintes du VIH furent longtemps la porte d’entrée pour organiser la communauté homosexuelle en Afrique. Aujourd’hui installé à Toronto, Carlos y milite pour les droits des personnes LGBT et aussi celles atteintes du VIH-SIDA. Il constate que l’exposition médiatique de la communauté a fait progresser les droits des homosexuels. Il trouve cependant hallucinant qu’après 30 ans de lutte, le Canada ait choisi de poursuivre en justice les personnes porteuses du VIH.
Paul-Émile Richard fait partie de cette génération d’hommes gais qui ont subi la discrimination au travail. Employé dans un ministère du gouvernement fédéral de 1970 à 1985, il finit par perdre son emploi. En proie à la dépression et au suicide, Paul-Émile se retrouva totalement démuni. Il a poursuivi en justice le gouvernement canadien et compte bien poursuivre son action auprès des Nations-Unies. Paul-Émile estime que le gouvernement fédéral devrait s’excuser auprès des homosexuels et réparer les torts infligés, comme il l’a fait à l’égard des Autochtones au sujet des écoles résidentielles.
Christopher Karas est un jeune étudiant d’une école secondaire à qui on a refusé le droit de poser des affiches qui réclamaient le droit aux élèves homosexuels de pouvoir étudier dans un milieu sécuritaire. Sa plainte auprès de la Commission des droits de la personne sera entendue en octobre prochain.
Le panel eut aussi l’occasion de répondre à des questions sur d’autres sujets tels que l’homoparentalité, le but du défilé lors de la Fierté, le double défi d’être à la fois homosexuel et francophone ainsi que l’impact que pourrait avoir une Première ministre lesbienne en Ontario.
« Nous sommes là et nous allons rester. Nous allons continuer de revendiquer nos droits », concluait Carlos Idibouo.
Photo : Quatre des participants à la discussion. De gauche à droite : Carlos Idibouo, Paul-Émile Richard, Odette Gough et Christopher Karas