Un rapport confidentiel, cité le 17 février par Le Droit, rappelle l’origine problématique du bac de l’Université d’Ottawa (UdO). Selon le Comité consultatif des Programmes conjoints de journalisme du Département de communications, le bac a été lancé à condition de n’engager aucun fonds additionnel.
« Ce qui impliquait de ne pas créer de nouveaux cours, affirme le Comité, et de ne pas investir de façon significative. » Les programmes bilingues sont un amalgame de cours de communications, littérature, science politique et médias. L’UdO a suspendu les inscriptions en 2013 après le dépôt d’un rapport très critique de la formation offerte.
« Pour les francophones hors Québec, croit le Comité, il s’agit du seul programme universitaire de journalisme qui répond aux besoins des médias francophones. » Mais le programme d’Ottawa n’est pas unique et ne répondrait pas aux besoins.
« Au cours des deux dernières décennies, nous avons vu passer des dizaines de journalistes dans nos quatre hebdos, signale un éditeur du sud de l’Ontario, Denis Poirier. Je ne me souviens pas d’en avoir embauché un seul du programme d’Ottawa. Où vont ces diplômés? Sûrement pas dans la francophonie hors Québec. »
Le directeur général de trois hebdos francophones dans l’Est ontarien, Roger Duplantie, est d’accord. « J’en ai embauchés qui avaient un bac, mais à ma connaissance, personne d’Ottawa, précise-t-il. Les journalistes nous viennent de La Cité collégiale ou du Québec. On a aussi reçu des Français qui arrivaient avec un permis de travail. »
Même son de cloche du quotidien francophone de l’Atlantique, l’Acadie Nouvelle. « Ce programme ne nous a pas permis de trouver des employés, précise l’éditeur et directeur général, Francis Sonier. On a un journaliste franco-ontarien, mais il n’a pas étudié à Ottawa. La plupart ont une formation de l’Université de Moncton, et pas tous en journalisme. Certains viennent du programme d’art et technologies des médias du CÉGEP de Jonquière (Québec). D’autres sont d’origine européenne. »
Le programme de Moncton est un bac de quatre ans avec une spécialisation en information et en communication. « Le programme a pris du galon, souligne M. Sonier, il produit une dizaine de diplômés par année. Il reste qu’on peine à trouver des gens. On a un poste ouvert depuis deux ans qui n’est toujours pas comblé. »
L’éditeur Denis Poirier renchérit. « Nous avons une pénurie de journalistes dans les hebdos francophones et aucun finissant d’Ottawa ne répond à nos offres d’emploi. Peut-être que le programme est trop orienté vers le Québec. Les étudiants ne connaissent pas nos médias et ne comprennent pas le potentiel qu’ils auraient à venir travailler chez nous. »
Un programme d’études journalistiques est aussi offert à l’Université de Sudbury. « On n’a pas créé de nouveaux cours, admet le professeur Osée Kamga, qui a piloté une réforme en 2012. On met l’accent sur la pratique du métier. Nos étudiants doivent faire 200 heures de stage. De plus en plus, nos chargés de cours sont des professionnels, comme le rédacteur en chef du journal Le Voyageur. »
« Le programme d’Ottawa nécessite une réforme majeure, insiste Denis Poirier. J’espère voir des ressources supplémentaires pour offrir des stages obligatoires en milieu minoritaire. »
Des « solutions minimales incontournables » ont été formulées dans le rapport interne du Département de communications : une expérience dans les médias étudiants ou communautaires et un cours théorique en journalisme. L’APF n’a pas réussi à obtenir de commentaires de l’UdO sur l’avenir du programme.
Francis Sonier exprime une autre préoccupation. « Je suis surpris qu’Ottawa n’accorde pas davantage de priorité au journalisme. Il me semble que c’est important pour la francophonie et pour la démocratie. Les journalistes sont une denrée rare et ils sont en demande. Il n’y a pas assez d’effort pour les former. »
Photo : Denis Poirier