Le Métropolitain

Michel Tremblay fidèle à lui-même

Pour certains ce fut peut-être une véritable révélation alors que pour d’autres présents ce soir-là au théâtre Buddies in Bad Times ce ne fut qu’une simple confirmation. Michel Tremblay demeure assurément un des meilleurs dramaturges canadiens de son temps. La compagnie Pleiades Theatre présente jusqu’au 2 février. Manon, Sandra and the Virgin Mary, une version anglaise de Damnée Manon, Sacrée Sandra, pièce écrite par Michel Tremblay en 1977. John Van Burek s’est chargé de la traduction ainsi que de la mise en scène.

L’œuvre en question est bien du Michel Tremblay dans le texte, même quand c’est joué en anglais. Les deux seuls personnages resurgissent de deux pièces précédentes et finissent par s’imbriquer l’un dans l’autre. Même lorsque c’est traduit, le texte conserve les émotions intenses, l’humour cru et le langage poétique auxquels Tremblay nous a habitués. Tremblay sait comme nul autre surprendre son public par la complexité de ses personnages. L’atmosphère pesante d’une société québécoise en passe de s’affranchir des tabous religieux et sexuels est omniprésente.

Le texte s’est bien entendu débarassé de son affiliation au langage des quartiers populaires de Montréal, mais n’en a pour autant pas perdu sa ferme intention de choquer le spectateur. Les deux personnages se vouent corps et âme à leur obsession respective, Manon au Christ et Sandra (ou plutôt Michel) à la luxure. En apparence aux antipodes au début de la pièce, voilà que tout à coup Manon et Sandra finissent par se télescoper.

Si Irene Poole parvient à reproduire la ferveur religieuse de Manon, Richard McMillan réussit brillamment à exhiber le comportement de débauche de Sandra. Cet acteur chevronné et habitué des œuvres de Tremblay n’a pas son pareil pour recréer la mimique exagérée et ridicule du personnage de Sandra. On peut même à distance clairement distinguer l’excédent de vernis à ongles vert sur ses ongles! Les jeux de lumière réalisés par Itai Erdal font apparaître une gigantesque Vierge Marie en arrière-scène, un effet réussi qui contribue parfaitement à augmenter l’intensité des deux personnages.

À un moment fort de la pièce, Sandra choisit de revenir dans son quartier d’enfance, habillée cette fois en travesti. Elle se met alors à observer de façon incognito les personnes qui ont fréquenté sa jeunesse. Elle revoit le petit garçon qu’elle fut ainsi qu’une toute petite fille nommée Manon. Le tout la fait fondre en larmes. Chapeau bas M. Tremblay!

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