Le Métropolitain

Michaëlle Jean : le nouveau visage de la Francophonie

C’est une semi-surprise, Michaëlle Jean est devenue le dimanche 30 novembre secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), poste que quitte l’ancien président du Sénégal, Abdou Diouf. Traditionnellement, le poste est occupé par une personnalité qui fait l’unanimité et qui a eu une longue expérience du pouvoir. Avant M. Diouf, c’était M. Boutros Ghali qui occupait ce poste.

La nomination de Mme Jean peut surprendre, car l’ancienne gouverneure générale du Canada a été choisie malgré la règle non écrite de l’OIF qui consiste à voir ce poste occupé par un Africain, et celui d’administrateur par une personne de l’hémisphère nord. Depuis 2008, il s’agit du Québécois Clément Duhaime.

Le choix de Mme Jean a tout de même été attendu, parce qu’elle a mené une campagne active en vue de cette nomination. Une campagne de terrain, qui s’est avérée bien plus efficace que celle de ses quatre rivaux.Tous des hommes, et tous Africains. 

Michaëlle Jean plaide pour une francophonie qui resserre ses liens économiques, mais elle insiste aussi pour qu’elle soit un espace politique qui se préoccupe des sociétés civiles et des citoyens – le meilleur moyen à son avis de prévenir les crises. Elle évoque souvent avec lyrisme de ses visites d’État en Afrique, lorsqu’elle était gouverneure générale.

« Aller vers ce continent de tous les espoirs et de tous les possibles était très important pour moi, fait-elle valoir. Je voulais aller vers cette Afrique réelle, déterminée, cette Afrique des réalisations, cette terre qui porte un humanisme bien vivant. J’ai vécu avec un bonheur immense cette Afrique qui me marchait dans le sang, qui me courait dans les veines… En Haïti, la reconquête de nous-mêmes a été importante. Il a fallu se reconstruire en soi, face à soi et face à l’autre. »

Mme Jean est une femme de lettres qui a fait la majeure partie de sa carrière de journaliste au sein de Radio-Canada jusqu’en 2005, quand elle est nommée par Paul Martin gouverneure générale du Canada. Mme Jean connaît parfaitement la francophonie caribéenne, puisqu’elle est née en Haïti, américaine, évidemment, et européenne. Mariée au cinéaste français Jean-Daniel Lafond, avec qui elle élève Marie-Eden, leur fille adoptive née en Haïti en 1999.

Michaëlle Jean a été choisie malgré une de ses plus grandes qualités : sa franchise. Elle est l’une des rares à avoir un langage assez franc sur la Francophonie et à promettre des mesures de suspension aux pays membres qui ne respecteraient pas les règles démocratiques. Et ils sont nombreux. Elle a également regretté le faible budget de l’OIF.

Surtout, elle ne prend pas de gants lorsqu’il s’agit de regarder en face l’histoire et l’origine de l’espace francophone : « Il faut se souvenir de la raison d’être de l’OIF. Il s’agit de devenir partenaires. La Francophonie est née d’une histoire difficile, d’un passé terrible qui a connu la traite sur des siècles, d’une histoire coloniale abominable. La langue française nous a été enfoncée dans la gorge. Elle est ensuite devenue une conquête, une alliance. »

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