Le Métropolitain

Marc-Yvain Giroux : portrait d’un vétéran de la radio

Impossible de retracer l’histoire de la radio française en Ontario sans passer par Marc-Yvain Giroux et son combat. Une figure importante de la communauté qui est parvenue à offrir aux Ontariens, à tous les Ontariens, une radio digne de ce nom dans la langue de Molière.

Né en 1932 à Bourget, petit village francophone proche d’Ottawa, M. Giroux a passé la majeure partie de sa vie dans l’éducation. Très jeune déjà, son oreille n’était jamais bien loin d’un poste de radio. C’est à l’âge de 19 ans qu’il commence à enseigner, après l’obtention de son brevet d’enseignement. « J’étais trop pauvre pour passer le baccalauréat », dit-il. De belles années qui l’ont amené à viser plus haut, puisqu’il s’est par la suite inscrit à l’Université d’Ottawa par correspondance, dans le but d’obtenir ce fameux bac qu’il décrochera en 1960. Il poursuit ensuite sur sa lancée avec une maîtrise en éducation à l’Université de Toronto, qui lui permet de devenir inspecteur d’école, après avoir réussi son examen haut la main. 

C’est en 1964 que Marc-Yvain Giroux emménage à Welland pour enseigner le français. Il devient quelques années plus tard directeur d’une importante école élémentaire. Malgré cette charge importante, il continue inlassablement ses études : « Je prenais deux jours par semaine pour étudier. Je n’avais pas le temps d’aller au cinéma. », raconte-t-il avec humour. Il termine finalement sa carrière en occupant le poste d’intendant et de surintendant des écoles de langue française en 1972, toujours dans le Niagara. Un amour inconditionnel de sa langue et de sa culture qu’il s’est attelé à disséminer autour de lui. En dehors des salles de classe, un seul dispositif pouvait à l’époque faire vivre la culture française en Ontario : la radio.

« Quand j’étais jeune, j’écoutais la radio de Montréal, explique-t-il. Quand je suis arrivé à Welland, il n’y avait aucune radio française, alors qu’il y avait sur place une grosse communauté francophone qui venait du nord de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Québec ». Cette injustice sonore a donc poussé M. Giroux à créer l’Association de la radio-télévision française du Sud de l’Ontario (ARTF) avec plusieurs personnes. Une abréviation à mettre en corrélation avec l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), qui faisait grand bruit à l’époque en Europe.

Deux stations anglophones de Radio-Canada à Toronto étaient alors en service, dont une était inusitée affirme-t-il : « On s’est dit qu’ils pouvaient nous en donner une. Ils n’avaient pas besoin d’en avoir deux ». Le soutien de la population de Welland à la création d’une radio francophone en Ontario fut immédiat : « On voulait faire respecter notre droit. Nous ne demandions pas une faveur, ajoute-t-il. Nous avons obtenu une pétition de 3000 signatures. Des milliers de lettres ont été envoyées à Radio-Canada ». Beaucoup d’anglophones appuyaient également leur démarche, principalement pour se faire l’oreille à la musique de la langue française.

Au total, trois longues années de lutte furent nécessaires avant que ce projet d’une vie ne finisse par aboutir. « Nous sommes partis en délégation à Ottawa, poursuit Marc-Yvain Giroux, et nous avons fait une conférence de presse en anglais et en français avant de rencontrer des membres du gouvernement libéral de l’époque. Des gens comme M. Martin et M. Lamontagne. Ils étaient tous en faveur! Puis on a rencontré le président de Radio-Canada et on a gagné notre cause, dit-il fièrement. C’est une belle histoire qui s’est bien finie, comme dans les contes de Perrault ».

Il explique cet attachement à la radio par sa volonté de sauvegarde de la culture française : « Il fallait qu’elle survive à l’influence américaine et il fallait le faire pour nos élèves. Les ondes en provenance de Buffalo remplissaient l’espace ». Selon lui, la radio est une forme d’éducation très efficace : « Même quand je travaille dans mon jardin, j’ai ma radio, je m’instruis. »

Il s’accorde à dire que la technologie moderne donne beaucoup de compétition mais il y aura toujours un besoin pour une bonne radio. « Aujourd’hui, on est heureux de célébrer ce 50e anniversaire et on a des chances de voir le budget de Radio-Canada augmenter », dit-il avec optimisme.

L’avenir de la radio en Ontario passe pour lui par la décentralisation. « S’ils ont le budget nécessaire, il faudrait qu’on décentralise, qu’il y ait plus de correspondants dans les régions. Bénévoles et rémunérés.», demande-t-il avec énergie.

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