Le Métropolitain

L’incroyable voyage dans l’absurde de Quentin Dupieux

Après avoir reçu un excellent accueil lors de sa sortie officielle au Festival du film de Sundance l’année dernière, Wrong, le dernier film de Quentin Dupieux va débuter sa carrière canadienne le vendredi 19 avril au TIFF Bell Lightbox, à Toronto. Pour son quatrième long métrage, celui qui s’est fait connaître du grand public sous le nom de Mr. Oizo grâce au mythique morceau Flat Beat (3 millions de singles vendus dans le monde) propose un conte surréaliste d’une puissance visuelle rare. L’histoire est celle de Dolph Springer qui part à la recherche de son chien Paul, disparu un beau matin. Lors de sa quête, Dolph va croiser la route de personnages hauts en couleur : une serveuse de pizza nymphomane, un jardinier français complètement à l’ouest, l’énigmatique Maître Chan, un flic indécis ou encore un détective privé parti sur la piste de Paul en analysant les premiers souvenirs d’un excrément de l’animal.

La trame du film tient en quelques lignes mais ce qui prévaut, ce sont toutes les idées loufoques qui donnent à Wrong cette couleur absurde à l’extrême. Dans les meilleures trouvailles, on peut noter l’idée que Dolph, bien que licencié trois mois plus tôt, continue à se rendre dans l’agence de voyages qui l’employait, les bureaux étant en permanence arrosés par les jets d’eau de l’alarme incendie, tous les employés répondant au téléphone et utilisant leur ordinateur trempés comme des soupes. Dans la même veine, le personnage de Maître Chan vaut son pesant de cacahuètes. Ce dernier est à la tête d’une compagnie qui kidnappe les animaux de compagnie avant de les rendre à leurs maîtres, officiellement pour renforcer les liens d’amour entre la bête et son propriétaire, officieusement pour le seul petit plaisir de Maître Chan qui assiste, depuis l’arrière de sa limousine et la larme à l’œil, à ces émouvantes retrouvailles.

D’autres séquences participent de cette ambiance surréaliste : le réveil de Dolph sonne à 7 h 60 et non 8 h 00; le palmier qui trônait fièrement au milieu de son jardin se change en une nuit en sapin, sans autre explication; un individu repeint les voitures sans rien demander à personne ou encore le voisin de Dolph, joggeur honteux, part sur la route, conduisant sans s’arrêter pour tenter d’atteindre, selon lui, le bout du monde.

Les acteurs, autour de Jack Plotnick (parfait en Dolph largué mais acceptant toutes les absurdités qui entravent sa route d’un flegme naturel), sont tous excellents. Quelques figures connues des amateurs de séries (William Fichtner, l’agent Alex Mahone aux trousses de Michael Scofield dans Prison Break, et Steve Little, le faire-valoir de Kenny Powers dans l’hilarant Eastbound & Down), un proche de Dupieux (Éric Judor, moitié du duo Éric et Ramzy, déjà présent sur Steak, le deuxième film du réalisateur) et Alexis Dziena (parfaite en nymphomane à la tête creuse qui ne semble pas faire la différence entre Dolph et son jardinier, passant de l’un à l’autre comme si de rien n’était); bref, tout ce petit monde amène cette touche d’humour fou qui donne un cachet particulier à Wrong.

Un film qui devrait définitivement débarrasser Dupieux de son alter ego Mr. Oizo (même si un clin d’œil à Flat Beat est présent, une petite figurine de Flat Eric, la marionnette du clip, pouvant être aperçue dans le lit vide de Paul le chien). Ayant gardé des traces de son apprentissage aux côtés de Michel Gondry (on pense notamment à La Science des rêves), Quentin Dupieux signe avec Wrong un ovni inclassable, qui se laisse dévorer sans spécialement devoir être compris. Après Nonfilm, Steak et Rubber (l’incroyable histoire d’un pneu tueur et télépathe), le réalisateur, lentement mais sûrement, est en train de se forger un univers à part dans le cinéma.

Exit mobile version