Les résultats des élections françaises de mai prochain semblent imprévisibles

Alors que beaucoup redoutent un second tour en présence de l’extrême droite, les élections françaises de mai 2017 se dessinent comme imprévisibles. Le parti de droite française, les Républicains, vient tout juste d’élire l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, comme son candidat aux présidentielles contre toutes attentes et toutes prévisions annoncées. La gauche socialiste, de son côté, se porte mal avec un président qui attend difficilement les 4 % de taux de popularité et qui a récemment annoncé renoncer à briguer un second mandat.

C’est dans cette atmosphère politique que se tenait la conférence L’héritage colonial et l’extrême droite dans la France contemporaine au théâtre de l’Alliance française dont les sièges étaient occupés notamment par la communauté française venue y chercher quelques clés de compréhension.

Jack Veugelers, professeur de sociologie à l’Université de Toronto, est revenu plus particulièrement sur le cas de Toulon qui fut la première grande ville française à élire le Front national, un parti d’extrême droite à la tête de sa mairie en 1995.

Quels sont les enchevêtrements d’événements qui ont mené à l’élection d’un maire Front national? Quelles leçons peut-on en tirer? Autant de points sur lesquels s’est penché l’universitaire.

Jack Veugelers s’est intéressé particulièrement à la distribution de l’électorat de l’extrême droite française qui, si est aujourd’hui présent dans le Nord et l’Est de la France, a d’abord émergé dans le Sud et plus particulièrement le long du croissant méditerranéen, allant de Perpignan jusqu’à la Garonne.

« L’extrême droite a longtemps été un acteur politique marginal, ce qui n’est plus le cas depuis les années 1980, rapporte le professeur, expliquant ce facteur notamment par le rapprochement idéologique des partis de droite et de gauche. « Ceux sur les côtés se tournent alors vers les extrêmes », explique-t-il.

Jack Veugelers s’est penché sur le cas des Pieds noirs, les colons français d’Algérie, qui ont fui le pays à sa libération.

Sous domination française, l’Algérie était une terre d’immigration très attractive pour les Européens. Une terre où la discrimination entre les peuples était exacerbée avec en haut de la hiérarchie, le colon français, et en bas, le musulman algérien, appelé « l’arabe ».

Les stéréotypes négatifs ont libre-cours au sein de l’imaginaire des colons qui après la guerre d’indépendance prennent, en plus, peur de « l’arabe ».

C’est dans le contexte du départ des Pieds noirs d’Algérie vers la France que s’inscrit l’histoire de la ville de Toulon dont le maire à l’époque est Maurice Arreckx. Ce dernier abandonne le parti gaulliste dont il fait partie à l’Indépendance de l’Algérie – voyant de Gaulle comme un traître – et accueille à bras ouverts les Pieds noirs qui s’installent sur le croissant méditerranéen.

Quelques années plus tard, dans un contexte de scandale et de corruption politique, Jean-Marie Le Chevallier du parti Front national est élu maire de la ville.

Jack Veugelers a révélé, notamment par ses enquêtes, que les postcoloniaux avaient deux fois plus de chance de voter pour l’extrême droite qu’un citoyen lambda. Le professeur l’expliquait entre autres par l’idée pour ces derniers d’être les « perdants ».

« La société produit des perdants. La colonisation a produit des perdants. La mondialisation produit des perdants », rapporte-t-il. Des perdants qui s’insurgent, en votant à l’extrême.