L’art emmène vers des profondeurs inexplorées, et celui de Darcia Labrosse s’insinue dans les moindres recoins de la raison et du beau pour offrir aux spectateurs une performance particulière. Intuitifs, les tracés de l’artiste s’allient à sa vision ambitieuse pour un résultat hors du temps. « Mon travail ne décrit pas un visage mais évoque un portrait », explique-t-elle.
Pour sa troisième exposition solo, c’est la Galerie 1313 qui reçoit une vingtaine de toiles ainsi que plusieurs sculptures. Malgré 25 ans de carrière, c’est la première fois de son existence que cette femme de presque 60 ans ressent le besoin de partager son art. « C’est extrêmement difficile de percer dans ce domaine et je n’avais jamais jusque-là voulu montrer mon travail car je ne pensais pas que ça pouvait intéresser, indique l’artiste. Mais depuis cinq ans, j’ai le sentiment inverse. En général, ceux qui sont touchés par mon travail le sont profondément. »
Enjouée, la créatrice travaille sur aluminium, un médium qui est venu à elle totalement par hasard. « C’est une coïncidence, ajoute-t-elle. Mon frère avait une usine de poudre électrostatique utilisée pour les revêtements architecturaux. Il a fallu apprendre à peindre avec, dit celle qui est passée auparavant par la peinture à l’huile et l’acrylique. Le fait que ce medium soit incontrôlable fait que j’ai moi-même très peu d’emprise. Dès que je commence à penser à ce que je fais, je l’efface. »
Inspirée par le mouvement artistique et philosophique Butoh, né après les catastrophes d’Iroshima et de Nagasaki, Darcia Labrosse s’est laissée emporter par la sensibilité se dégageant des productions du fondateur Kazuo Ohno : « Ça m’a beaucoup touchée. Ce n’est pas brutal, mais c’est dérangeant. » Quant à son style à elle, elle le décrit comme étant de l’impressionnisme existentiel.
Optimiste quant au succès de son exposition Metal Language qui aura lieu du 16 au 27 septembre, elle émet malgré tout quelques doutes. « Mon travail n’est peut-être pas assez actuel, poursuit-elle. Je ne suis pas du tout en vogue car mon art est chaud et basé sur une émotion très forte. L’art est fait pour bouleverser. » Connaissant comme sa poche la majeure partie des galeries d’art de Toronto et voyageant régulièrement à New York, elle nage dans la scène artistique contemporaine et en connaît les moindres recoins. « J’en vois beaucoup et je vois surtout les mêmes choses, avoue-t-elle. On met encore des prix faramineux sur des œuvres qu’on comprend tout de suite. » Plus intéressée par l’art qui prend aux tripes plutôt qu’uniquement à la rétine, elle compte bien réveiller les entrailles des visiteurs, qui auront fort à faire pour rester de marbre face à un tel déballage de couleurs et d’émotions.
Photo: Intuitifs, les tracés de Darcia Labrosse s’allient à sa vision ambitieuse.