Le gouvernement libéral a répondu jeudi à des mois de pression de la part de l’OTAN en promettant 8,5 milliards $ de nouvelles dépenses militaires au cours des cinq prochaines années.
Pourtant, cette injection de nouveaux fonds, prévue dans le budget fédéral de jeudi, semble pour l’instant en grande partie symbolique, puisque le gouvernement demeure vague sur ce que cet argent servira précisément à acheter. Par ailleurs, la plupart de ces dépenses ne se matérialiseront pas avant plusieurs années.
Les responsables ont également reconnu que même avec l’argent supplémentaire, le Canada restera bien en deçà de l’objectif de dépenses des pays de l’OTAN. Pourtant, d’autres alliés augmentent considérablement leurs propres investissements militaires à la suite de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes de Vladimir Poutine.
Dans son document budgétaire, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’a fait qu’une allusion aux nouveaux investissements militaires et à la nécessité de renforcer « notre capacité à se défendre ».
« L’invasion de l’Ukraine par Poutine nous a aussi rappelé que notre propre démocratie pacifique, comme toutes les démocraties du monde, dépend en fin de compte de notre capacité à se défendre, a indiqué Mme Freeland dans son budget. Les dictateurs du monde ne devraient jamais confondre notre civilité avec le pacifisme. Nous savons que la liberté n’est pas gratuite et que la paix n’est garantie que par notre volonté de la défendre. C’est pourquoi le budget prévoit un investissement immédiat et supplémentaire dans nos Forces armées et propose un examen rapide de la politique de défense, pour que le Canada soit prêt à faire face à un monde désormais plus dangereux. »
Le budget propose 8,5 milliards $ de dépenses militaires supplémentaires, réparties sur cinq ans. En termes réels, cela signifie entre 800 millions $ et 3 milliards $ chaque année en nouvelles dépenses pour le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes. Ce nouvel argent s’ajoutera aux augmentations de dépenses précédentes contenues dans la politique de défense libérale de 2017.
L’Ukraine, le NORAD
Le budget prévoit spécifiquement environ 250 millions $ pour les efforts de changement de culture au sein de l’armée (les inconduites sexuelles), et 450 millions $ supplémentaires pour étendre la mission de soutien militaire à l’Ukraine et une opération antiterroriste de longue date au large des côtes de l’Afrique et du Moyen-Orient.
Mais le budget demeure vague sur ce que le gouvernement prévoit de faire avec la grande majorité des fonds restants, y compris combien d’argent sera utilisé pour moderniser les défenses de l’Amérique du Nord, avec les États-Unis.
La ministre de la Défense, Anita Anand, promettait plus tôt cette semaine un « ensemble d’investissements robustes » pour moderniser dans les mois à venir le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), ce qui a suscité de grandes attentes en prévision du budget de jeudi.
Le plan budgétaire indique que le gouvernement « étudie actuellement des options » pour moderniser le NORAD, notamment en examinant de nouvelles capacités de commandement, de contrôle et de communications, et en renforçant « les capacités de dissuasion et de lutte contre les menaces ».
Les responsables militaires et les experts préviennent depuis des années de l’état vieillissant du NORAD, dont certaines parties sont désormais obsolètes, car la Russie et d’autres adversaires ont développé des armes plus avancées.
Un haut responsable des Finances s’exprimant récemment lors d’un breffage technique a suggéré que les décisions sur la manière dont l’argent sera dépensé viendront ultérieurement, probablement après l’examen de la politique de défense du gouvernement. On ne sait pas encore à quel moment cet examen sera amorcé.
Le PIB et l’OTAN
Le document budgétaire ne précise pas non plus comment l’ajout de nouveaux fonds affectera les dépenses de défense en tant que part du produit intérieur brut du Canada, bien que le haut responsable des Finances ait déclaré que le Canada atteindrait éventuellement la barre des 1,5 % d’ici cinq ans.
À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il est peu probable que cet effort satisfasse les alliés du Canada au sein de l’alliance militaire (OTAN), qui pressait déjà ses membres de consacrer 2 % de leur PIB à la défense.
On estime que le Canada n’a consacré que 1,36 % de son PIB à l’armée l’an dernier. Seuls quatre autres membres de l’OTAN ont dépensé moins: la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie et l’Espagne.
Tous les membres de l’OTAN avaient accepté en 2014 l’objectif de 2 % du PIB, qu’ils ont réaffirmé lors d’un sommet extraordinaire des dirigeants à Bruxelles, le mois dernier. Ils ont alors promis qu’ils présenteraient des plans pour atteindre cet objectif lorsqu’ils se réuniront à nouveau au Portugal en juin.
Mais il est peu probable que l’incapacité du Canada à atteindre l’objectif de l’OTAN compromette l’adoption du budget à la Chambre des communes. Les conservateurs ont demandé au gouvernement d’augmenter considérablement les dépenses militaires, mais le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, qui a récemment conclu une entente pour soutenir les libéraux en Chambre, a déjà qualifié « d’arbitraire » cette cible de l’OTAN.
Source : La Presse Canadienne