Le Métropolitain

Les Indisciplinés de Toronto présentent un spectacle pas comme les autres

Ce fut une invitation à goûter à une expérience inhabituelle que Les Indisciplinés de Toronto avaient lancée à leur public le dimanche 7 avril. Ce matin-là, à peine avaient-ils entamé leurs croissants et avalé quelques gorgées de thé ou de café, que de profonds soupirs et de longues jérémiades, issus sans aucun doute d’une quelconque scène de luxure écrite par le divin Marquis de Sade, semblaient provenir de l’arrière-salle.

« Nous voulions offrir ce jour-là un produit culturel différent en faisant du théâtre expérimental », affirme Pierre Gregory, directeur du groupe théâtral communautaire et comédien lui-même dans Matines : Sade au petit déjeuner.

Cette pièce s’inscrit dans une série de trois laboratoires qui seront présentés au public francophone torontois cette année. Le texte, écrit par Jean-Pierre Ronfard, relate les discussions qu’entretiennent quatre comédiens alors qu’ils prennent des pauses durant un enregistrement radiophonique de l’œuvre du Marquis de Sade La philosophie du boudoir. Les discussions vont bon train, abordant comme on peut s’y attendre l’érotisme pour ensuite s’étendre à la politique, la morale, la propriété privée et même la peine de mort.

Jean-Pierre Ronfard a écrit cette pièce dans les années 1980 suite à une réelle discussion philosophique qu’il a entretenue avec quatre personnes, notamment avec l’écrivain québécois François Gravel. Cette œuvre fut présentée dans le cadre du Nouveau théâtre expérimental à Montréal.

Le projet diffère des autres pièces de par son modèle collectif. Cinq comédiens – Matthieu Bister, Daniel Girlando, Pierre Gregory, Geneviève Proulx et Audrey-Maude Southière – évoluent dans une mise en scène de… Matthieu Bister, Daniel Girlando, Pierre Gregory, Geneviève Proulx et Audrey-Maude Southière.

« Nous avons fonctionné sur le mode du consensus. Il n’y avait pas de hiérarchie », explique Pierre Gregory, metteur en scène ayant déjà dirigé Matroni et moi pour Les Indisciplinés en novembre dernier.

Bien que ce soit sa première expérience en théâtre, Daniel Girlando n’a pas hésité à y mettre son grain de sel. Geneviève Proulx, forte de ses acquis sur la scène, se prenait parfois à envoyer des idées par courriel à ses partenaires quand elle éprouvait des difficultés à trouver le sommeil. Matthieu Bister, originaire de France et arrivé à Toronto en septembre après un séjour à Montréal, est passé cette fois de la technique aux devants de la scène. Quant à Audrey-Maude Southière, c’est elle qui a repéré le texte et qui l’a soumis à Pierre Gregory. Par la suite, les trois autres se sont joints au projet par affinité.

« Faire du Sade le matin en collectif, ça c’est un vrai laboratoire. Nous sommes aussi capable de faire ce genre de chose », estime Pierre Gregory. Il ajoute que ce genre de théâtre vient parfaitement agrémenter les deux spectacles de plus grande envergure que Les Indisciplinés de Toronto présentent habituellement dans l’année. En gros, n’importe qui peut présenter un projet original et recevoir l’appui artistique, logistique médiatique et financier de la troupe communautaire. Par la même, on donne une chance à des comédiens qui n’ont pas encore eu l’occasion de monter sur les planches.

« Un dimanche matin, ça nous a mis en compétition avec la messe », déclament sans ambages les cinq artistes. Les spectateurs se sont vus servir un petit-déjeuner continental à 10 h du matin dans le studio du Théâtre français de Toronto (TfT) sur la rue College. Soit dit en passant, Ronfard avait présenté la pièce à une heure encore plus matinale… à 7 h 30!

« Un dimanche matin, pourquoi pas? », répond Sylvie Gonçalves et précisant que ce genre d’expérience est chose assez commune à Paris. Louise Paquette et Luc Southière affirment quant à eux qu’ils sont ouverts à toutes formes de spectacles. Ce sentiment sembla partagé par les 50 personnes qui remplirent le studio ce matin-là. (Une supplémentaire est d’ailleurs prévue le dimanche 14 avril à 10 h au studio du TfT.)

La preuve est donc bien faite qu’il n’y a pas d’heure pour aller au théâtre et que Sade suffit à tirer les gens du lit, même un dimanche matin!.

Photo : Audrey-Maude Southière et Matthieu Bister (credit photo : Rod Giddings)

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