Le Métropolitain

Le père Noël existe bel et bien puisque je l’ai rencontré

Pas facile d’obtenir une entrevue exclusive avec le père Noël à seulement quelques jours de la date fatidique. Il m’a fallu vraiment insister auprès de son lutin en chef pour qu’on daigne enfin me laisser le rencontrer brièvement dans un petit café du centre-ville. Pas question bien évidemment qu’il débarque dans son costume habituel et sa longue barbe blanche, la notoriété a un prix. C’est donc sous le couvert de l’acteur et chanteur Robert Godin que le vieil homme vint s’asseoir en face de moi pour répondre à quelques questions.

Dès les premiers instants, il fut évident que son agenda était particulièrement chargé ce jour-là. Il sortait tout juste d’une classe d’étirements, séance hebdomadaire durant laquelle il s’astreint à des exercices d’assouplissement et de remise en forme. Face à mon incrédulité, il m’expliqua qu’il faut être dans une condition physique irréprochable pour porter des sacs remplis de jouets. Il m’accorda cependant qu’il se laisse parfois aller et qu’il croque de temps à autre quelques-uns des  biscuits que les petits enfants lui laissent près du sapin. En ce beau matin, il se permit même une petite gâterie : un café au lait de poule. Un léger embonpoint ne fait-il pas après tout partie de son image de marque? Il n’est guère impressionné par le manque de bienséance que certains politiciens locaux affichent ces derniers temps. Le père Noël est catégorique à ce sujet : pas de drogue ni d’abus d’alcool.

Mes premières questions portent sur ses débuts en tant que père Noël torontois. Il est un des rares francophones de Toronto qui peut se vanter d’être né dans la Ville reine. Son enfance passée à jouer le rôle du berger à l’église du Sacré-Cœur le prédestinait sans doute à sa future vocation. Il se remémore avec une pointe de tendresse que sa sœur tenait toujours le rôle de l’ange. Élevé en français dans une famille très bourgeoise, il apprit un peu plus tard l’anglais. Il glana même quelques expressions polonaises auprès de sa nounou. Le père Noël est à cet égard un fervent défenseur de la langue française. Quelle ne fut pas sa surprise d’entendre des mots aussi étranges que shopping, et parking alors qu’il y a quelques années il assistait à un sommet international de pères Noël en France. Il ne manqua pas d’en toucher un mot auprès de son homologue parisien. Des cours de théâtre pris durant des étés passés au Québec vinrent parfaire sa formation de père Noël.

=De la fin du mois de novembre au 25 décembre, il n’accepte que des missions pour les enfants francophones. La fête de Noël à Radio-Canada constitue en fait sa principale sortie. Il refuse régulièrement de faire des apparitions dans des lieux où il n’y a pas d’enfants.

« Je suis une créature d’amour pour les enfants. Je suis en fait une création de leur cœur », répétera-t-il à plusieurs reprises durant l’entrevue.
Ces rencontres d’avant Noël lui permettent de repérer les enfants francophones de la ville et d’écouter leurs souhaits en termes de cadeaux, à condition toutefois qu’ils le fassent en français et assez fort pour qu’il les entende bien (ses longs cheveux, son épais chapeau et sa barbe font qu’il ne saisit pas bien parfois). Autre recommandation, interdiction formelle de tirer sur sa barbe!

Le père Noël a été témoin des changements profonds qu’ont connus Toronto et la société en général au cours des dernières décennies. Face à l’apparition soudaine des grandes tours d’appartements dans le centre de la ville, il doit maintenant se résoudre à emprunter l’ascenseur. Le père Noël n’a cependant pas besoin de téléphone cellulaire ni d’ordinateur, son lutin principal se charge de tout ça. À l’image de sa ville, le père Noël est lui aussi multiculturel et se laisse bien volontiers appeler Saint-Nicolas, Father Christmas ou Santa Claus.

Pour se tenir occupé hors-saison, le père Noël joue parfois la comédie pour le Théâtre français de Toronto. Surchargé de travail en vue des préparatifs de Noël, il a dû récemment faire une pause dans le tournage d’Abacus My Love, un film réalisé par les étudiants de l’Université Ryerson.

Une fois sa tournée achevée et son traîneau remisé au Pôle Nord, il se rendra au Québec pour célébrer les fêtes avec sa famille. Il avoue qu’il a hâte de pouvoir déguster tourtières, bûches et sirop d’érable sans avoir à se soucier de pouvoir rentrer dans les cheminées.

À ceux qui prétendent qu’il n’existe pas, le père Noël balaie cette suggestion du revers de la main en disant simplement qu’ils ne sont que des cyniques. Avant de régler sa consommation et de me quitter, il m’adresse ce dernier message manifestement destiné aux fidèles lecteurs du Métropolitain : « Joyeux Noël à tous et à toutes! ».

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