D’avril à octobre, la Société d’histoire de Toronto organise des visites guidées des différents points d’intérêt de la Ville reine et, le 24 juillet dernier, c’est l’Université Ryerson qui était au programme de l’organisme. En après-midi, une vingtaine de participants se sont donc rassemblés au pied de la statue représentant celui dont l’institution porte le nom, point de départ d’une excursion sur le campus.
La visite était animée par Chantal Smieliauskas et Corinne Baranger. Cette dernière a d’abord fait le portrait d’Egerton Ryerson dont la statue, à l’expression sévère, dominait le groupe de toute sa prestance. Il faut dire que Ryerson, né en 1803, ne s’était pas converti au méthodisme à l’âge de 18 ans par pure fantaisie et les préceptes de cette austère dénomination protestante devaient demeurer au centre de sa vie et de ses engagements sociaux.
Dans la jeune vingtaine, il s’était résolu à se faire pasteur et missionnaire. Les autochtones de la nation Ojibway, dont il apprit la langue, furent parmi les premiers à entendre ses prédications. Malgré sa ferveur, Egerton Ryerson conserva néanmoins toujours une certaine tolérance à l’endroit des autres religions, ayant lui-même connu l’ostracisme des Anglicans, alors tout-puissant dans le Haut-Canada. Sa curiosité intellectuelle et sa grande intelligence le fit plus tard s’intéresser aux autres cultures et il devint polyglotte, apprenant entre autres le français.
Après avoir contribué, en 1829, à la fondation d’un journal, le Christian Guardian, une expérience qui lui permit de développer ses talents littéraires et d’approfondir sa compréhension des problèmes de société, Ryerson se tourna progressivement vers l’éducation comme champ d’action. En 1836, il participa à la création de l’Upper Canada Academy qui, cinq ans plus tard, devint le collège Victoria au moment où Ryerson accédait à sa direction. L’institution prospéra sous la gouverne de son pieux directeur pour qui les idéaux de l’éducation et de la foi chrétienne ne faisaient qu’un.
Des fonctions de la plus grande importance ne devaient pas tarder à être confiées à ce modeste pasteur et faire de lui le père du système éducatif moderne en Ontario. En effet, en 1846, le gouvernement nomma Egerton Ryerson surintendant de l’Instruction publique, un poste qu’il conserva pendant trois décennies. Au début du XIXe siècle, la fondation d’écoles et la formation des enseignants relevaient le plus souvent d’initiatives privées, largement insuffisantes et aux résultats mitigés. Sous l’influence de Ryerson, le gouvernement s’investit de plus en plus dans l’éducation pour assurer sa qualité et son financement. Le nombre d’écoles se multiplia, l’enseignement devint une véritable profession et les élèves disposèrent désormais de manuels dignes de ce nom. Lorsqu’il prit sa retraite, Egerton Ryerson laissa à l’Ontario un système scolaire financé par les taxes, donc accessible aux plus pauvres, et dont la fréquentation était obligatoire.
Ryerson rendit l’âme en 1882 mais son œuvre demeure. Le campus de l’Université Ryerson perpétue sa mémoire et, après la présentation de Mme Baranger, Chantal Smieliauskas en a fait découvrir les attraits architecturaux. Le site se caractérise par le mélange des genres et des époques et par le sort qui fut réservé à ses bâtiments d’origine, les uns détruits, les autres préservés et certains connaissant une fin entre les deux, modifiés ou conservés en partie.
La Maison Oakham, construite en 1848 dans un style néo-gothique d’après les plans de l’architecte William Thomas, et une résidence, érigée en 1875 et qui fut habitée par le brasseur Eugene O’Keefe, constituaient les plus anciens bâtiments encore en usage ayant été présentés au cours de la visite. Un autre, dont ne subsiste aujourd’hui que la façade à des fins décoratives, avait été construit en 1851 et servit à mains usages, entre autres comme lieu de travail pour Egerton Ryerson.
Un groupe de bâtiments, qui virent le jour des années 1930 aux années 1960, se démarque par ses nombreux bas-reliefs. Mme Smieliauskas s’est attardée à expliquer la signification de chacun et la réception que ces œuvres ont reçue du public à l’époque où elles ont été dévoilées. Les quelques monuments et statues qui jalonnaient le parcours des visiteurs ont également été examinés avec attention. Finalement, les installations les plus modernes de l’Université Ryerson ont été abordées et c’est en passant quelques minutes au Ryerson University Student Learning Centre que le groupe a terminé sa visite.
La prochaine visite guidée de la Société d’histoire de Toronto se tiendra le 14 août et portera sur l’évolution et la diversité des lieux de culte. C’est donc un rendez-vous pour les amateurs d’arts et d’histoire.