Kathleen Wynne a présenté le jeudi 20 avril son « Plan de l’Ontario pour le logement équitable », un arsenal de 16 mesures visant à ralentir la hausse vertigineuse des prix qui frappe l’immobilier à Toronto et dans sa région. Le coût à l’achat y a grimpé de près de 30 % en un an, tout autant au cours du seul mois de mars.
Afin de modérer la demande, la Première ministre a décidé de s’en prendre à la spéculation étrangère. Son arme porte un nom : l’ISNR, ou Impôt sur la spéculation pour les non-résidents. Les étrangers acquérant jusqu’à six maisons individuelles seront désormais taxés à hauteur de 15 %. Cette mesure qui s’inspire du modèle de Vancouver s’appliquera rétroactivement dès le 21 avril de Peterborough au Niagara, après promulgation de la loi à l’assemblée législative.
L’autre annonce importante faite par Mme Wynne, au côté du ministre des Finances Charles Sousa et de son homologue au Logement Chris Ballard, concerne les locataires de l’ensemble de la province. Pour mettre fin aux hausses intempestives et disproportionnées, les loyers, y compris ceux des logements construits après 1991, seront soumis à un taux légal d’augmentation indexé sur l’inflation, plafonné à 2,5 % par an, sur la base d’un bail normalisé, accompagné d’une note explicative en plusieurs langues.
« Les Ontariens travaillent fort pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils devraient pouvoir acquérir une propriété ou trouver un logement locatif sans avoir à faire des sacrifices indus ou à prendre de trop grands risques. Par ailleurs, il faut protéger les investissements considérables que les propriétaires ont faits. Le plan atteint l’équilibre entre la nécessité de stabiliser le marché et la prévention d’une correction marquée qui nuirait à tous », a déclaré la Première ministre.
Le gouvernement libéral entend également encourager la construction et l’occupation de logements vacants. Il débloque une enveloppe de 125 millions $ sur cinq ans, en offrant une partie des redevances d’aménagement. Il autorise les municipalités à instaurer un impôt sur les propriétés vacantes et à augmenter celui sur les terrains constructibles en sommeil. Un accord a aussi été conclu avec la Ville de Toronto sur un projet pilote dans le secteur des West Don Lands, à proximité du port, fixant à 20 % la part des habitations locatives abordables et à 5 % la part des propriétés abordables.
« Toutes ces mesures vont dans le bon sens et vont aider le marché à se reposer après plusieurs mois de croissance folle », estime Shelly Howe. L’agente immobilière basée dans la région de Peel confirme les prix du marché : plus de 1,2 million $ pour une maison individuelle à Toronto, autour de 650 000 $ dans les villes périphériques comme Brampton. « Ces changements vont inciter les acquéreurs à envisager leur achat à long terme et dissuader les opérations purement spéculatives ».
Elle se veut plus nuancée sur l’accès au logement des locataires modestes, plus particulièrement les nouveaux arrivants francophones à qui l’on demande beaucoup de garanties et des mensualités excessives, les obligeant à s’éloigner du centre, voire à partir pour d’autres provinces. Elle s’interroge aussi sur les modalités d’augmentation du loyer en cas d’occupation de longue durée. « Il ne faut pas que cela dissuade les propriétaires d’engager des travaux de rénovation. Ils doivent avoir la possibilité de les répercuter sur le prix du loyer », dit-elle,
Autre professionnelle de l’immobilier, la Torontoise Martine Rivard accueille favorablement la révision des règles de conduite dans sa profession proposée par le gouvernement. « De plus en plus d’agents arrivent sur le marché à temps partiel, sans connaître la législation, les nouveautés, l’éthique. On se livre une guerre des prix entre agents, envenimée par la représentation multiple (lorsqu’un agent représente l’acheteur et le vendeur d’un même bien) qui biaise l’intérêt du client. Mettre de l’ordre dans cela va assainir un marché qui en avait grandement besoin. »
Photo : la première ministre Kathleen Wynne entourée de ses ministres Charles Sousa (Finances) et Chris Ballard (Logement).