Le Métropolitain

Le fabuleux destin de Windsor-Weinstein

Ce n’est pas tous les jours que les spectateurs de l’Alliance française de Toronto ont la possibilité de venir admirer un invité vieux de 297 ans et valant pas moins de 4,3 millions de dollars. Ce samedi 8 février, c’est pourtant le cas grâce au spectacle pour enfants Confidence d’un Stradivarius : la star de la soirée n’est autre que le Stradivarius Windsor-Weinstein, manipulé de mains de maître par la jeune violoniste Caroline Chéhadé, accompagnée de Philip Chiu au piano et de la comédienne Catherine B. Lavoie. Cette dernière incarne le violon, racontant toutes les péripéties qu’a connues l’instrument né des mains du légendaire fabricant Antonio Stradivari, plus connu sous le nom de Stradivarius. 

Créé en 1717 à Crémone en Italie, Windsor-Weinstein a connu nombre d’aventures, voyageant au gré des envies de ses différents propriétaires. Après avoir pas mal bourlingué en Italie, le violon connaît son premier exil : il aboutit à Paris, dans l’atelier du luthier français Jean-Baptiste Vuillaume, aux alentours de 1860. « J’ai eu l’impression de trouver un second père à près de 140 ans, raconte le violon Windsor-Weinstein, par la voix de Catherine B. Lavoie. Tout comme Stradivarius, c’était un passionné qui avait pour but de créer des instruments dont la qualité sonore pourrait s’approcher de celle des instruments de mon père. Il collectionnait toutes ses créations : j’ai gardé d’excellents souvenirs de mes années passées dans cet atelier parisien où j’ai pu côtoyer mes frères et soeurs. » 

Après Paris, Windsor-Weinstein arrive à Londres, dans l’atelier de John Thomas Hart. Vendeur d’instruments, luthier, restaurateur et fin connaisseur des violons de Crémone, Hart a été le principal artisan de la notoriété des violons Stradivarius en Angleterre. Lors de son séjour en anglais, le violon connaît plusieurs propriétaires avant de finir dans les mains de Victor S. Fletcher, un négociant d’instruments new-yorkais. Grâce à lui, au début des années 1920, l’instrument file de l’autre côté de l’Atlantique, à la découverte du Nouveau Monde. 

Après avoir conquis New York et traversé les États-Unis de part en part, Windsor-Weinstein arrive finalement en 1961 au Canada, Leon Weinstein, futur président des supermarchés Loblaws, en faisant l’acquisition. En 1980, Weinstein cède l’instrument à la Fiducie du patrimoine ontarien, qui elle-même en fait don au Conseil des arts du Canada en 1988. C’est ainsi que depuis lors, tous les trois ans, les plus prometteurs des jeunes violonistes du pays ont l’honneur de se produire avec le violon Windsor-Weinstein. 

Ce soir-là, Caroline Chéhadé a démontré toute l’étendue de son talent en sortant des sons magiques de l’instrument-vedette, avec toujours ce petit je-ne-sais-quoi qui rend un Stradivarius incomparable. Épaulée par l’excellent Philip Chiu au piano, elle aura éclairé les yeux des jeunes enfants de mille étoiles, tout en ravissant parents et grands-parents. Ravel, Fauré, Gershwin, Heifetz et bien d’autres: un programme pointu rendu accessible par le talent combiné des trois artistes, preuve que l’on peut initier les très jeunes à la musique classique en restant ludique. Une belle réussite.

Photo : Catherine B. Lavoie a narré l’histoire du violon Windsor-Weinstein.

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