Le Métropolitain

Le décès de Sammy Yatim suscite plusieurs questions

Une marche blanche a eu lieu le lundi 29 juillet en mémoire du jeune Sammy Yatim, décédé le vendredi précédent, victime des balles d’un policier alors que rien ne semblait justifier un tel usage de la force.

Pourquoi? Au-delà de la colère légitime, au-delà de la tristesse, du deuil et de l’amertume, c’est la question qui était sur toutes les lèvres. Pourquoi Sammy Yatim est-il mort? Pourquoi cet officier de police a-t-il tiré?

Le jeune homme était seul, dans un tramway vide. L’adolescent avait sorti un couteau de poche. Le pire qu’il puisse faire était de se couper. L’agent de police n’a pas cherché à lui parler. Il a crié après lui. À plusieurs reprises, toujours la même phrase. « Lâche ton couteau ». Et puis, il a tiré. Pas une fois, mais trois fois. En pleine poitrine. L’adolescent n’a eu aucune chance. Une fois tombé au sol, le policier a déchargé son arme : six nouvelles balles. Ensuite, c’est la confusion. Les procédures sont oubliées.

Le garçon agonise sur le sol en caoutchouc du tramway. Pourtant, au lieu de lui porter les premiers secours, un autre policier lui administre une décharge électrique avec un tazer.

« Pourquoi? » répètent des centaines de personnes, tout bas, avant de crier tout haut leur honte de la police et leur volonté de voir la police répondre. Mais les policiers qui encadrent le cortège font profil-bas. Ils ne répondent pas aux admonestations des manifestants. Ils baissent les yeux. La dernière chose qu’ils veulent, c’est un incident dans lequel ils seraient impliqués.

Et le cortège, parti de la place Dundas, grossit au fur et à mesure qu’il se dirige vers les lieux du crime. Les Torontois se joignent, en silence, ou au contraire, en reprenant les slogans. Il y a le cercle des amis et de la famille de la victime, bien sûr. Des activistes, les militants que l’on retrouve à chaque manifestation. Mais surtout, il y a des citoyens choqués et indignés de ce qu’il s’est passé. Une dame, bien sous tous rapports, hurle à un policier impassible « Ce n’est pas la Corée du Nord, ici! C’est le Canada, pas un état policier! ».

Arrivés à l’angle de Bellwoods et de Dundas, ils sont des centaines. Le cortège s’arrête devant le mémorial improvisé dressé à la mémoire du jeune homme. L’ambiance est recueillie, puis un peu plus nerveuse. Un marginal, que la foule accusera d’être un agent provocateur de la police, brise les vitres d’une voiture de télévision. Un groupe de jeunes devient de plus en plus agressif et les policiers décident sagement de se retirer pour éviter d’envenimer la situation.

Le cortège se scinde alors entre les plus téméraires qui marchent vers les locaux de la Division 14 de la police, celle du policier qui a tout déclenché. Ceux qui préfèrent exprimer leur deuil restent sur place. Venue de Syrie, la mère du jeune homme fend alors la foule, en pleurs, au bras de sa fille. Devant le commissariat, la situation restera tendue sans pour autant dégénérer. Les derniers manifestants partiront vers une heure du matin. Devant le mémorial, sur Dundas, les gens restent plus nombreux jusque tard dans la nuit. Alors que les bougies sont allumées, un petit groupe veillera. Avec aux lèvres, toujours la même question, brûlante et implacable, pourquoi?

Photo : Une manifestation a eu lieu le 29 juillet dernier.

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