Le Métropolitain

Le commissaire ne met plus de gants

Le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, a donné une conférence de presse à l’occasion de la remise de son rapport annuel.  

En décembre dernier, la loi plaçant le commissaire aux services en français sous la responsabilité de l’Assemblée législative est entrée en vigueur. Ce dernier répondait auparavant à la ministre aux affaires francophones, Madeleine Meilleur. Est-ce ce nouveau statut qui explique un ton plus virulent que les autres années? Est-ce un certain agacement devant ce qui semble être une dilution des responsabilités gouvernementales? Lorsqu’il n’avait que Mme Meilleur pour interlocutrice, il n’était pas indépendant, mais elle était en quelque sorte obligée de l’écouter. Aujourd’hui, le commissaire a 107 interlocuteurs, comme autant de députés.

« Je veux dialoguer avec mes 107 nouveaux patrons – les députés –, mais je me suis aperçu qu’il n’y a nulle part au Parlement où obtenir une réaction aux recommandations et propos rendus dans mes rapports », a-t-il déclaré. Il recommande donc dans son rapport la création « d’une véritable tribune pour examiner les questions et enjeux liés à l’application de la Loi sur les services en français ». Une tribune qui prendrait la forme d’un comité parlementaire. 

Parfois, le langage corporel en dit long sur l’état d’esprit d’un orateur. Le verbe est plus direct, la voix ne flanche pas et, en conférence de presse, le commissaire répond en regardant le journaliste droit dans les yeux. Bref, il semble plus combatif. Il faut dire que le gouvernement (et le parlement) semblent ignorer certaines de ses recommandations des années précédentes. S’il ne s’agissait que de dossiers techniques ou secondaires, peut-être que le commissaire adoucirait son ton, mais il s’agit de la première recommandation de son dernier rapport annuel sur l’accès aux services en français des populations les plus fragiles de la société. Mères célibataires, jeunes sans emplois, sans domiciles fixes, immigrants. Tous ceux qui ne revendiquent pas leurs droits linguistiques. « Il faut que le gouvernement réalise que derrière mes recommandations, il y a de vrais gens, dans de vraies situations problématiques », a-t-il lancé.

Autre occasion de cogner sur le gouvernement, la réponse à sa recommandation de développer une « offre active » en matière de services en français, notamment à l’intention des employés gouvernementaux. Un nouveau règlement mis en place n’a rien réglé, selon le commissaire. Et dans le cas des prestataires du gouvernement, la nécessité de services en français est encore moins prise au sérieux. Pour régler le problème, le commissaire estime que la ministre devrait déposer « un rapport annuel détaillé, engagé et pertinent sur les affaires de l’Office des affaires francophones et s’assurer que son rapport annuel fasse le point sur les actions entreprises à l’égard de chacune des fonctions que la Loi lui attribue ainsi qu’à l’Office des affaires francophones. »

En ce qui concerne l’immigration francophone, le commissaire recommande la constitution d’un groupe d’experts au sein du ministère des Affaires civiques et de l’Immigration, groupe qui aura pour mission d’élaborer une stratégie globale visant à favoriser l’accueil, l’intégration, le recrutement, la promotion, la formation et la rétention des immigrants francophones. Le but étant de parvenir à ce que 5 % des immigrants de la province soient francophones.

La dernière recommandation porte sur la justice. Comme l’a souligné le commissaire, la procureure générale de l’Ontario, Mme Meilleur, est également ministre déléguée aux Affaires francophones. Il y voit une opportunité historique de faire avancer les droits judiciaires des francophones. Ainsi, le commissaire recommande au Ministère de mettre en œuvre un projet pilote d’amélioration de l’accès à la justice en français.

En bref, beaucoup de pain sur la planche du gouvernement qui devra prouver au commissaire (et donc aux francophones) qu’il a à cœur le respect des lois relatives à la francophonie, ainsi que l’amélioration de la situation des francophones les plus fragiles. Sinon, gare aux coups de bâton lors de la prochaine remise du rapport du commissaire.

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