Arrivée à l’âge de deux et demi au Canada, l’ancienne gouverneure générale du Canada Adrienne Clarkson est passée au cours de sa vie du statut de réfugiée à celui de femme d’État. Elle était l’invitée d’honneur du symposium national Ré-imaginer le refuge, organisé en partenariat par Universités Canada et l’Université York.
La conférence interrogeait la politique et la société canadienne à l’encontre du droit au refuge à l’heure de la crise syrienne qui a mis le sujet sur toutes les lèvres.
La co-fondatrice de l’Institut pour la citoyenneté canadienne revenait sur son propre parcours de réfugiée pour offrir des clés de compréhension psychologique sur ce statut. Adrienne Clarkson rappela notamment la différence entre le choix de l’expatriation et le fait d’être « jeté » dans un nouveau pays.
« Un réfugié arrive avec un sens de complexité. L’idée qu’il a déjà perdu quelque chose et qu’il ne veut plus rien perdre. »
« Il faut apprendre à vivre dans un pays différent, explique Adrienne Clarkson soulignant la force de caractère d’un réfugié, source de force pour la nation canadienne. Je le sais de ma propre famille. Un réfugié arrive avec un sens de complexité. L’idée qu’il a déjà perdu quelque chose et qu’il ne veut plus rien perdre. »
La conférencière appuyait les capacités du Canada et son sens d’ouverture qui, selon elle, ne se retrouve pas dans certains pays, par exemple, européens.
« J’existe, car tu existes » : l’ancienne gouverneure générale faisait sien le concept humaniste ubuntu pour décrire ce qu’elle perçoit comme une réalité au Canada.

Le bruit et la dénonciation
Une belle image, peut-être idyllique, qui était d’ailleurs remise en question lors de la période de questions-réponses qui soulignait les difficultés d’un système toujours imparfait.
Le cauchemar bureaucratique de la réunification familiale ou encore l’emprisonnement des immigrants illégaux étaient des thèmes abordés.
« Le bruit est ce que nous pouvons faire. Dénoncer est ce que nous pouvons faire dans une démocratie », répondait-elle.
Le bruit et la dénonciation, c’est bien le panel suivant qui s’en chargeait lors d’une conférence menée par trois femmes passionnées : Jennifer Hyndman, directrice du Centre pour les études sur les réfugiés à l’Université York, Mary Jo Leddy, fondatrice des maisons Romero, et Loly Rico, codirectrice du Centre de réfugiés FCJ et présidente du Conseil canadien pour les réfugiés.
« Même les États-Unis acceptent plus de réfugiés »
Loly Rico, originaire du Salvador et arrivée au Canada avec le statut de réfugiée, revenait sur la frilosité du pays à ouvrir ses frontières. « Même les États-Unis acceptent plus de réfugiés », dénonçait-elle.
Pour cette dernière, les réfugiés sont vus comme des personnes suspicieuses durant le processus de demande de refuge, une mentalité des instances gouvernementales qui doit évoluer.
Une idée partagée par Jennifer Hyndman qui proposait de réorganiser nos mentalités vis-à-vis du refuge. Elle revenait sur l’immigration au Canada, un pays dont les frontières sont « bien jolies et bien scellées » et à la géographie rendant quasiment impossible toute entrée.
« Le Canada est passé de la 3e à la 16e place comme destination pour les demandeurs d’asile entre 2009 et 2013. C’est médiocre, concluait-elle. Il faut faire évoluer la discussion de Que devrions-nous faire? à Que puis-je faire? »