Pour le premier concert de la série Classiques de poche, l’Alliance française de Toronto a reçu, le vendredi 18 octobre, le clarinettiste André Moisan et le pianiste Jimmy Brière.
Par trop souvent snobée ou cantonnée à l’unique registre jazz, la clarinette a pour une fois eu la chance de se trouver sous les feux de la rampe. La ligne directrice du concert : l’amitié entre compositeurs et le clarinettiste, comme l’explique en prélude André Moisan, non sans humour. « Plusieurs compositeurs sont morts après avoir écrit pour la clarinette. Disons qu’ils ont gardé le meilleur pour la fin! ». C’est le cas de la première oeuvre proposée, la Sonate #1 pour clarinette et piano de Johannes Brahms. Point intéressant : Brahms avait arrêté de composer mais c’est en entendant un clarinettiste qu’il a repris la composition. Les quatre mouvements qui composent cette sonate démontrent d’entrée de jeu l’aisance technique et la complicité des deux musiciens.
Ils enchaînent par Peregi Verbunk de Leo Weiner, qui met en lumière l’influence de la culture gitane sur les compositions pour clarinette, le morceau faisant élégamment écho au mouvement lent de la sonate de Brahms. Comme le fait remarquer André Moisan, le tout peut sonner improviser alors que l’écriture est extrêmement pointue. Au détour de quelques notes, on sent poindre les premiers accents de jazz.
Viennent ensuite Touches pour piano seul de Leonard Bernstein, parfaite liaison entre le XIXe et le XXe siècle, et surtout Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc. Ce dernier n’aura jamais eu la chance d’entendre son oeuvre jouée alors que la première a dû être un moment de pure merveille : interprétée au Carnegie Hall par Leonard Bernstein au piano et Benny Goodman à la clarinette! Ce soir, les deux musiciens rendent à merveille les touches d’humour qu’a disséminées ça et là le compositeur français, surtout dans le premier et le troisième mouvement.
Après l’entracte, André Moisan sonne le rappel des troupes en distillant les premières notes de Rhapsody in Blue, le morceau qui a donné ses lettres de noblesse à la clarinette, et le programme de rentrer de plein pied dans le XXe siècle avec After You Mr. Gershwin de Bela Kovacs, Mon ami Léon de Daniel Mercure (hommage à Léon Bernier, ami d’André Moisan, qui livre ici une interprétation remplie d’émotion) et Jazz Variations de Mike Garson, basé sur le thème de 24 caprices de Paganini.
Le concert se termine sur deux pièces au spleen très slave, Sholem Alekheim Giora Feidman de Bela Kovacs et la Sonatina de Joseph Horowitz.
Le public en redemande et ce n’est pas moins de deux rappels que les deux complices offriront aux spectateurs conquis. Si les prochains Classiques de poche sont à la hauteur du duo Morsan/Brière, on risque de refuser du monde à l’Alliance française.
Photo : Jimmy Brière (piano) et André Moisan (clarinette)