Le Métropolitain

La Nuit Blanche de Raphaël

La Nuit Blanche de Toronto a eu lieu samedi dernier, jusqu’aux petites heures du matin de dimanche. Pour un événement au succès aussi bien artistique que populaire.

Le concept de la Nuit Blanche est né à Paris, sous l’instigation du maire Bertrand Delanoë. Arrivé à Toronto sous celle de David Miller, il est depuis devenu un grand moment torontois. Bien que des ersatz de Nuit Blanche existent à Montréal ou ailleurs dans le monde, le succès rencontré par le concept à Toronto est sans doute unique. Les gens sortent, une foule bigarrée envahit les rues. Mais là n’est pas l’originalité. À Paris aussi, les gens sortent et la foule est gigantesque. À Paris aussi, une insistante odeur de cannabis mâtinée de boisson énergisante à la taurine flotte sur la ville, cette nuit-là. Mais à Paris, le public ne s’approprie pas autant l’événement, il est plus client. Il s’attend à ce qu’on lui en montre. À Toronto, la Nuit Blanche est multiple et est absolument vécue. S’il existe un programme officiel, avec des artistes commissionnés, des installations autorisées, il existe une autre Nuit Blanche, plus spontanée, officieuse et tout aussi intéressante.

On pense à cette jeune fille qui décida de se promener dans Toronto avec un téléviseur sur la tête en lieu et place de casque. Pourquoi pas. Ou encore à ce qui se passait au parc Trinity Bellwoods. Officiellement, aucun projet n’était au programme. Pourtant, entre cette chorégraphie de jeunes danseurs arborant des tenues lumineuses, cette parade d’étudiants en art de Windsor, ou cette pièce de théâtre qui utilisait un arbre pour tout décor, il y avait des choses à voir. Il y avait de l’énergie à ressentir, de la créativité à reconnaître. Plus loin sur Queen Ouest, les galeries d’art étaient restées ouvertes. Elles faisaient le plein. Pour tous les amoureux des arts, c’est un bonheur. Ils savent trop que les galeries sont des endroits vides, à l’exception des vernissages.

Dans le Musée d’art contemporain, des expositions gratuites assez étranges. Dans un grand bâtiment, le Great Hall, sur Queen Ouest, un spectacle interlope attendait le visiteur curieux. D’entrée, on nous prévient. Interdit aux moins de 18 ans. Il est ici question de « bondage », cet art érotique japonais qui consiste à s’attacher avec des cordes selon des combinaisons savantes. Des dames pendues par une cuisse, ligotées par des grands gaillards, quelques hommes aussi, pour une ambiance sombre, troublante, grotesque et dépaysante.

Queen Ouest était attendue au tournant et n’a pas déçu. Mais on pouvait voir de l’art et des initiatives ailleurs, comme ce concert dans la piscine vide de Dundas et Bathurst où des gaffeurs se mettaient en scène lors de leurs tags, s’éclairant et s’accompagnant de musique, sous l’œil indifférent de policiers qui n’allaient pas interrompre une œuvre d’art en cours. Voilà pour Rob Ford et sa croisade contre l’art pictural de rue.

Sinon, le gros de la Nuit Blanche officielle se trouvait dans la zone de l’hôtel de ville où une foule gigantesque était venue admirer les œuvres d’Ai Weiwei, illuminée par l’installation du français Boris Achour et les voitures sans chauffeurs d’un autre français, Alain Declercq. De quoi en mettre plein les yeux, et plein les oreilles. Le matin pouvait venir, Toronto l’attendait pour aller se coucher.

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