Les Roumains parlent une langue romane, donc apparentée aux autres langues latines comme le français. Au XIXe siècle, Bucarest était appelé le « Petit Paris ». Les fils de familles riches roumaines se rendaient en France pour étudier. Le français était symbole de culture et était enseigné dans les écoles. Eugène Ionesco, dramaturge célèbre, effectuera des allées et venues entre les deux pays. Les Roumains sont connus pour la qualité de leur français, en particulier leur excellente connaissance de la grammaire. Ce lien très particulier entre la France et la Roumanie va durer durant la majeure partie du XXe siècle jusqu’à la chute du régime communiste de Nicolae Ceausescu en décembre 1989.
Aujourd’hui, la culture et la langue françaises ne rayonnent plus autant dans les Balkans. Bien que le français soit toujours apprécié et enseigné dans les écoles, l’anglais a de plus en plus tendance à supplanter la langue de Molière. Comme tous les pays qui se trouvaient à l’est du Rideau de fer, la Roumanie s’est mise à la page de la mondialisation. Hollywood a en quelque sorte remplacé la Sorbonne. Cependant, on compte toujours un petit peu plus de quatre millions de locuteurs francophones roumains. Depuis 1993, la Roumanie siège au sein de l’Organisation internationale de la francophonie et fut le pays organisateur et hôte du Sommet de la francophonie en 2006.
Environ 200 000 Roumains vivent au Canada et résident essentiellement dans la région de Toronto et de Montréal. Les francophiles roumains préservent très souvent le lien affectif qu’ils avaient tissé avec le français à leur arrivée au Canada. À Toronto, on rencontre souvent des Roumains dans les écoles francophones.
Carmen Jako et Mihaela Attienei ont chacune une classe de maternelle jardin dans la même école de l’ouest de la ville. Fait amusant, les deux classes sont l’une à côté de l’autre. Carmen est arrivée de la région de Timisoara avec ses parents en 1984, à l’âge de 10 ans. Ses parents ont fui le communisme. Son père s’est d’abord enfui par la Serbie et l’Italie avant d’arriver un an plus tard au Canada. Il a par la suite pu y faire venir sa famille.
Carmen Jako a été bercée dans le français tout au long de sa vie. Son père lui achetait la fameuse revue de bandes dessinées Pif alors qu’elle était toute jeune. Quand elle était à l’école en Roumanie, Carmen recevait une heure de français par jour. Plus tard, alors jeune étudiante au Canada, Carmen participera à un échange universitaire avec l’Université de Nice. C’est là qu’elle rencontrera son mari et finira par y rester six ans. De retour au Canada, Carmen suivra le programme de formation des enseignants. Pour Carmen, le français est tout autant synonyme de carrière et d’opportunité que de vie familiale. Elle parle le français avec son mari, lit Le Monde et regarde TV5.
Pour Mihaela Attienei, le français est avant tout une passion. Bien qu’elle ait reçu moins d’instruction en français à l’école roumaine que sa compatriote, Mihaela s’est sentie très vite une affinité pour les langues, tout particulièrement le français et l’anglais. C’est en 2005, qu’elle et son mari ont pris la décision de quitter la Roumanie pour des raisons essentiellement économiques. Mihaela parle le roumain à la maison avec son mari. Ses jeunes enfants fréquentent une école francophone.
Valéry Vlad est arrivé au Canada en 2000 après un séjour de 10 ans en France. C’est à la fois la curiosité et des amis roumains qui résidaient déjà au Canada qui l’ont poussé, lui et son épouse, à traverser l’Atlantique. N’ayant reçu que quelques rudiments de français à l’école en Roumanie, Valéry Vlad a appris le français en France en travaillant comme bénévole dans un institut pour malvoyants. Étant dans l’obligation de communiquer seulement au moyen du français et naturellement sans l’aide de gestes, lui et sa femme firent des progrès fulgurants!
Pour ce Roumain d’origine, le français a joué un rôle essentiel pour son intégration dans la société torontoise. Il estime que c’est grâce au français qu’il est resté à Toronto. Il a toujours été très impliqué dans la vie francophone de la ville, occupant des responsabilités au sein d’organismes tels que la Société d’histoire de Toronto, CHOQ-FM et le Théâtre français. Il est aujourd’hui président du conseil d’administration du Salon du livre de Toronto. Pour lui, le français représente un espace de liberté qu’il occupe ici tout autant qu’il le faisait en France.
Aux termes de périples différents, ces trois personnes ont conservé les liens particuliers qui lient la Roumanie au français et sont venus enrichir l’espace francophone de notre ville.
Xavier Lambert aimerait écrire d’autres articles sur des franco-phones venus d’ailleurs. Si vous souhaitez partager votre expérience, veuillez contacter le journal en écrivant à l’adresse info@lemetropolitain.com.
Photo : Mihaela Attieni (à gauche) et Carmen Jako, francophones d’origine roumaine