Elle sort un petit carnet turquoise. La couverture est usée, certaines pages sont un peu tachées. Tassia Trifiatis-Tezgel a ramené le calepin d’Istanbul. Des comme ça, l’auteure aujourd’hui établie à Toronto en a noirci une dizaine, en trois ans sur place. Quand elle vivait là-bas, elle y notait ses sentiments, ses impressions sur la ville, ou capturait des instantanés, tranches de vie saisies sur le vif comme d’autres prennent des photos. Quatre ans après avoir quitté la ville, ces carnets composent la toile de fond de son troisième ouvrage, Les platanes d’Istanbul, publié début mai aux Éditions du Passage.
C’est un récit de voyage, une chronique de la vie « dans l’Istanbul des Stambouliotes, loin de celle des touristes », où le lait se vend dans des bouteilles en verre et les œufs s’achètent à l’unité. Il est surtout question de personnes. « Le contact humain est mon matériau premier, dit celle pour qui endosser le costume d’écrivaine, c’est être comme une observatrice du monde ».
Au fil des pages, on découvre également les « gens anonymes d’Istanbul », et ceux que l’on apprend à connaître. Les platanes d’Istanbul est aussi une histoire d’amitié, tissée entre l’auteur et Özlem, qui « était venue à Istanbul lorsque les alentours de son village avaient été incendiés ».
Des rencontres, il y en a beaucoup d’autres. Arrivée à Istanbul en 2011, Tassia Trifiatis-Tezgel y a aussi croisé beaucoup d’artistes ou d’expatriés. À l’époque, la ville vivait « un âge d’or », et « tout allait bien ». Même si vivre à Istanbul a été une expérience « extraordinaire, mais pas facile ». Partir, c’est aussi s’éloigner de ses proches. Pour elle, cela voulait notamment dire vivre loin des femmes qui la soutenaient beaucoup à Montréal, sa ville natale.
Les 128 pages de l’ouvrage sont, elles aussi, le fruit d’une rencontre. Celle avec Caroline Lavergne, qui signe les nombreuses aquarelles faisant du livre un récit qui est aussi graphique. Les illustrations mettent des images sur les mots et permettent de se plonger, encore un peu plus, dans l’immense métropole installée sur les deux rives du Bosphore.
Tassia Trifiatis-Tezgel raconte tout cela depuis une terrasse du centre-ville de Toronto. Elle vit ici depuis qu’elle a quitté la Turquie. L’auteure ne s’est « pas encore habituée » à la ville, mais, devenue maman, n’a « pas eu le temps de pleurer Istanbul ». Et puis elle prépare un quatrième ouvrage. Il y sera question de la plus grande ville du Canada autant que de celle de Turquie. L’auteure bâtit le livre avec de nouveaux carnets. Ils vont à nouveau parler.
Les Platanes d’Istanbul. 128 pages, Éditions du Passage. 29.95 $.
PHOTO: Tassia Trifiatis-Tezgel à Toronto