Dire que la COVID-19 a bouleversé le quotidien est un truisme on ne peut plus banal. Si, pour plusieurs, la « nouvelle normalité » consiste simplement à faire la file à l’épicerie et à se laver les mains plus souvent, pour certains, il peut s’agir de problèmes beaucoup plus graves et complexes.
C’est ainsi que le Collège Boréal a voulu répondre, par le biais d’une présentation en ligne, à la question suivante : quel est l’impact de la crise de la COVID-19 sur les droits de garde et de visite des enfants? En effet, composer avec un divorce et une garde partagée n’est pas, en temps normal, une situation des plus agréables. La pandémie, avec les mesures de distanciation sociale qui l’accompagnent, vient compliquer encore davantage cette dynamique.
Ou est-ce vraiment le cas? Dans sa présentation, Me Norlanda Joseph, qui enseigne au Collège Boréal, a évoqué les aspects pratiques du fonctionnement de la Cour de justice de l’Ontario et de la Cour supérieure de justice qui sont bouleversés par la pandémie. « Si vous voulez déposer des documents, présentement, les choses changent chaque semaine », s’est-elle désolée, ajoutant plus tard que les procédures par vidéoconférence ou téléconférence sont maintenant la norme.
Or, il y a néanmoins quelque chose de crucial qui ne change pas : l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe directeur en droit de la famille continue de guider les décisions des juges, même en ces temps particuliers.
Qui plus est, la notion de « motion urgente », qui existait déjà avant l’établissement du confinement obligatoire, a pris depuis celui-ci beaucoup d’importance puisque ce ne sont que les causes qui entrent dans cette catégorie qui sont entendues par les cours pour ce qui relève du droit de la famille.
Qu’est-ce qu’une motion urgente? Cela concerne, en gros, tout ce qui touche à la protection et la sécurité des enfants et des parents et regroupe des cas extrêmes – tels les enlèvements internationaux d’enfants – comme des situations plus bénignes – telles les contestations de garde partagée d’enfants.
C’est sur ce dernier point, beaucoup plus commun, que Me Norlanda Joseph s’est attardée car la pandémie a ajouté son grain de sel dans l’interprétation qui est faite de ce concept. Ainsi, la récente cause Thomas c. Wohleber s’est imposée comme grille d’analyse pour déterminer les facteurs jugés nécessaires pour qu’une cause soit considérée comme urgente. Ces facteurs se rapportent à la préoccupation du plaignant : elle doit être immédiate (au sens où la résolution du conflit ne peut attendre), sérieuse (elle a un impact significatif sur le bien-être des parties en cause ou des enfants), définie et matérielle (tangible plutôt que spéculative) et clairement précisée (en termes de preuves et de descriptions des faits).
C’est néanmoins la cause Ribeiro c. Wright qui sert de référence aux règlements de conflits en ces temps de pandémie. « C’est la cause de base, a commenté Me Joseph. C’est notre ligne directrice en ce moment. » Alors que certains parents essaient d’instrumentaliser la pandémie pour refuser un droit de garde ou de visite à l’autre parent, le juge Pazaratz a statué que les parents « ne devraient pas présumer que l’existence de la crise de la COVID-19 entraînera automatiquement une suspension du temps parental en personne ».
Cela pourrait être le cas dans la mesure où il est prouvé qu’un parent ne respecte pas les règles sanitaires et fait courir aux autres le risque d’être contaminé, ou encore s’il refuse de démontrer que son mode de vie est sécuritaire. Autrement, afin de se conformer au principe de défense de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui-ci a droit à un maximum de stabilité dans son quotidien et dans sa relation avec ses parents. La crise sanitaire ne devrait donc pas changer les droits et responsabilités des parents qui existaient avant la pandémie de même que les horaires de garde.
Les règles liées à l’état d’urgence (telle la nécessité de s’isoler pendant 14 jours au retour d’un séjour à l’étranger ou après avoir été en contact avec une personne infectée) peuvent avoir préséance sur le droit de garde. Cependant, nul ne devrait présumer sans preuve de l’existence d’un risque : par exemple, un parent travaillant dans une résidence de soins de longue durée ne perdra pas nécessairement son droit de garde s’il prend les précautions appropriées pour sa sécurité et celle des autres.
Me Norlanda Joseph a conclu sa présentation en mettant en valeur le programme d’adjoint juridique du Collège Boréal dont elle a fait connaître les critères d’admission et les possibilités de carrière. Le Collège Boréal est le seul collège en Ontario à offrir un stage à temps plein pour cette formation.