Le Métropolitain

Controverse autour du projet d’une université francophone

L’idée de créer une université pour et par les francophones en enthousiasme plus d’un. Mais une certaine conception de ce que devrait être cette institution en inquiète aussi plusieurs. Ainsi, le 20 novembre dernier, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) et le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) faisaient connaître leur désir de voir l’ensemble des programmes universitaires offerts en français être rapatriés sous la tutelle de cette nouvelle université.

Il n’en fallait pas plus pour faire réagir les acteurs du milieu académique donnant déjà accès à une gamme de cours en français. Dans le sud de la province, c’est le Collège universitaire Glendon, affilié à l’Université York, qui dispense des cours dans la langue de Molière. Donald Ipperciel, le principal de ce collège bilingue spécialisé dans les arts libéraux, ne voit pas l’établissement d’un monopole universitaire comme nécessaire pour assurer la survie de ce projet.

Ainsi en est-il du concept de « pour et par les francophones » qui fait dire à certains que l’offre actuelle de cours en français est à la merci de décideurs qui ne partagent pas forcément les mêmes intérêts que la minorité franco-ontarienne. « J’entends souvent ça de la part de la communauté », admet M. Ipperciel. En ce qui concerne Glendon, cette appréhension origine, selon lui, d’une incompréhension des balises entourant la relation que le collège entretient avec l’université à laquelle il est affilié. « Les programmes académiques ne sont pas gérés ou déterminés par York, explique le principal. Le Conseil des gouverneurs ne peut en aucun cas dire qu’il va couper tel ou tel programme. »

Ce sont les professeurs qui ont la main haute sur ce qui est enseigné. La gestion des locaux est également à l’abri des décisions arbitraires. Qui plus est, comme le rappelle Donald Ipperciel, les liens entre l’université et son satellite bilingue sont essentiels à ce dernier, sans quoi il générerait un déficit chaque année. « Le bilinguisme et l’attachement à York nous permettent d’équilibrer notre budget », ajoute-t-il.

Peut-il, dans ce cas, y avoir un terrain d’entente entre les tenants d’une université unique et ceux qui tiennent à ce que subsiste les programmes et les institutions déjà disponibles? Tout en rappelant que le Collège Glendon a toujours soutenu l’idée de créer une université francophone, M. Ipperciel fait remarquer que celle-ci viserait sans doute une clientèle différente, ce qui solutionnerait le différent. En effet, du côté de Glendon, seule une minorité d’étudiants font tous leurs cours en français, les autres étant surtout des anglophones qui étudient dans leur langue mais qui, par le biais du collège, s’offre une expérience académique en français.

L’Université de l’Ontario français, selon Donald Ipperciel, s’adresserait avant tout aux francophones qui veulent faire toutes leurs études dans leur langue. Pour éviter cette division de la clientèle qui fait craindre à plusieurs une compétition mortelle entre institutions, une approche s’avère essentielle si l’on en croit le principal : « C’est important d’avoir des programmes complémentaires et d’éviter la duplication. »

Pour ce faire, la future université pourrait, par exemple, se spécialiser dans les programmes professionnels. M. Ipperciel suggère que, loin d’être condamnés à être des rivaux, des ponts pourraient être bâtis au profit des étudiants : « On pourrait devenir des alliés, en prévoyant des passerelles, des programmes conjoints, etc. »

Les débats de toutes natures se poursuivront sans doute jusqu’au jour où cette université franco-ontarienne ouvrira finalement ses portes. En attendant, les principaux intéressés peuvent au moins se dire qu’avoir l’embarras du choix dans la manière d’organiser ce qu’ils ont obtenu représente un défi plus engageant et constructif que les luttes âpres et incertaines menées pendant longtemps. Du moment qu’il y a davantage de cours postsecondaires en français, l’essentiel est atteint.

 

Photo (archives) : Donald Ipperciel, principal du Collège Glendon.

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