Pendant que les quelque 65 000 Franco-Torontois attendent l’ouverture d’un espace où ils pourraient se rassembler, d’autres minorités francophones profitent déjà de la présence d’un tel lieu dans leur municipalité depuis plusieurs années.

Plusieurs communautés francophones hors Québec sont parvenues à bâtir des lieux rassembleurs pour leurs concitoyens au cours des 30 dernières années. Les francophones y obtiennent des services et participent à des activités de groupe. Des communautés à Edmonton, à Vancouver et à Ottawa ont surmonté les principaux défis associés à l’ouverture de ces lieux collectifs, comme l’obtention d’un site approprié et le financement nécessaire, mais aussi la capacité de former une équipe compétente.

Daniel Cournoyer, directeur général de la Cité francophone à Edmonton, qui dit être souvent sollicité par d’autres groupes voulant savoir « comment et pourquoi la Cité marche », prévient que le modèle d’une ville ne fonctionnera pas nécessairement ailleurs. « Il faut travailler dans le contexte où nous sommes », dit-il.

Pour que leur projet puisse voir le jour, les groupes torontois devront peut-être bénéficier des mêmes circonstances qui ont permis la construction de la Cité francophone et de la Maison de la francophonie d’Ottawa. Dans les deux cas, les comités directeurs ont obtenu des terrains prisés sur le territoire de leurs municipalités.

Ces terrains étaient publics puisqu’ils appartenaient auparavant à un conseil scolaire.

Selon Ronald Bisson, vice-président de la Coopérative multiservices francophone de l’ouest d’Ottawa (CMFO) – l’organe qui gère la maison –, le CMFO a obtenu le terrain d’une valeur de 2 millions $, situé dans un quartier central, pour 1 $. La Cité francophone d’Edmonton a pour sa part acquis le sien, à deux pas du campus francophone de l’Université de l’Alberta, au coût de 1,2 million $ dans les années 1990.

À l’époque, la Ville encourageait les groupes multiculturels à s’installer dans les quartiers industriels. Les responsables de la Cité ont plutôt insisté pour que celle-ci soit bâtie près du campus.

« Une grande partie de notre succès vient de notre emplacement », explique aujourd’hui Daniel Cournoyer.

Ce type d’entente n’est pas actuellement abordé publiquement par les groupes torontois, bien que le lieu visé par la Maison de la francophonie se situe au centre-ville. Le comité directeur de la Maison de la francophonie de Toronto cherche à faire l’acquisition d’une maison victorienne évaluée à 12,5 millions $, tandis que l’Université de l’Ontario français (UOF), pour son Carrefour du savoir, et le Centre francophone du Grand Toronto n’ont pas fait part de leurs stratégies. Le Centre amorce toutefois une étude de faisabilité financée par Ottawa qui pourrait répondre à la question.

Un projet de lieu rassembleur a besoin d’un groupe de leaders audacieux, visionnaires et ayant des aptitudes différentes, explique le Franco-Albertain Daniel Cournoyer. Et à cette équipe doivent se rattacher des partenaires « aux reins solides », disent deux membres de conseils d’administration de maisons de la francophonie.

À Ottawa, cela passe par une entente avec le Conseil des écoles publiques de l’est de l’Ontario (CEPEO) ; à Vancouver – là où les prix de l’immobilier sont les plus élevés au pays –, par un mariage avec un promoteur.

D’ici 2026, la métropole britanno-colombienne pourrait avoir déjà ouvert sa deuxième maison de la francophonie. La maison actuelle, inaugurée en 1990 grâce notamment au financement du gouvernement québécois, est en mauvais état.

En 2018, la maison vancouvéroise s’est donc associée au promoteur montréalais Canderel, qui a acheté le terrain adjacent. La maison a également vendu son terrain au promoteur, créant ainsi un lot plus grand sur lequel Canderel bâtira une nouvelle maison avec, au-dessus, une tour de logements en copropriété.

« Sans un tel partenariat, on aurait eu besoin de rénover la maison au complet, ce qui aurait coûté des millions », explique l’architecte Pierre Gallant, président du conseil d’administration de la Maison de la francophonie de Vancouver.

En 2016, le CEPEO est devenu propriétaire de la Maison de la francophonie d’Ottawa. « Pour faire vivre un gros édifice, ça prend quelqu’un avec des reins solides et habitué de gérer de grosses infrastructures », souligne Ronald Bisson.

« Ça coûte des milliers de dollars, déblayer des centres communautaires. Nous, on n’a aucunement ce mal de tête, parce que le conseil en prend soin, explique l’Ottavien. Vous n’avez aucune idée à quel point je suis reconnaissant au CEPEO. »

Les trois projets en cours à Toronto misent sur des équipes distinctes, mais ils peuvent compter sur des gens expérimentés.

Édith Dumont, la vice-présidente des partenariats à l’UOF – notamment responsable du Carrefour du savoir, était directrice de l’éducation du CEPEO au moment de l’ouverture de la Maison de la francophonie d’Ottawa. Linda Savard, présidente du CEPEO lorsque ce dernier est devenu propriétaire du lieu, est l’une des cinq membres du comité fondateur de la Maison de la francophonie de Toronto.

Source : La Presse canadienne