Le Métropolitain

Budget : 467 $ pour les familles à faible revenu et un régime de soins dentaires

M. Saba et É. Bergeron

Le gouvernement du Canada fait la part belle aux Canadiens à faible revenu dans son budget 2023 déposé le mardi 28 mars. Il entend verser jusqu’à 467 $ à 11 millions d’entre eux afin de les aider face à la hausse du coût de la vie, en plus de remplir son engagement envers le Nouveau Parti démocratique (NPD) de mettre sur pied un régime de soins dentaires.

Ces mesures « ciblées et temporaires » éviteront de mettre de l’huile sur le feu de l’inflation, a insisté la ministre des Finances, Chrystia Freeland. « À court terme, il faut composer avec le ralentissement de l’économie mondiale, des taux d’intérêt élevés partout dans le monde et une inflation encore trop forte », a-t-elle déclaré en point de presse.

La proposition pour lutter contre l’augmentation du coût de la vie, dont le coût est évalué à 2,5 milliards $, vient en fait sous la forme d’une prolongation de l’augmentation du crédit pour la TPS, présenté cette fois-ci comme un « remboursement unique pour les articles d’épicerie ».

Les couples avec enfants recevront jusqu’à 467 $, les personnes seules sans enfant jusqu’à 234 $ et les personnes âgées, un supplément de 225 $ en moyenne. Il ne sera pas nécessaire de présenter de facture d’épicerie ou quelque preuve que ce soit pour obtenir le versement.

Selon le titulaire de la Chaire en fiscalité et finances publiques à l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout, « c’est quand même plus ciblé » que des mesures ponctuelles mises en place par certaines provinces. Au Québec, par exemple, les particuliers ayant des revenus allant jusqu’à 100 000 $ étaient admissibles. Les montants offerts sont les mêmes que ceux que le gouvernement avait allongés l’automne dernier avec le doublement ponctuel du remboursement de la TPS.

Les néo-démocrates avaient demandé au gouvernement libéral de prolonger cette mesure.

Soins dentaires

D’ailleurs, l’entente de « soutien et de confiance » que les libéraux de Justin Trudeau ont avec ce parti transparaît dans le budget 2023 puisqu’Ottawa détaille comment il compte mettre en place son régime des soins dentaires.

« Personne ne devrait avoir à choisir entre sa santé dentaire et le paiement des factures à la fin du mois », peut-on lire dans le budget. Le document indique que « le régime couvrira les soins dentaires des Canadiens non assurés dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $ » et qu’il « commencerait à offrir une protection d’ici la fin de 2023 ».

Ce passage du budget a laissé croire que les libéraux entendaient, en fait, aller plus vite que ce que leur commande leur accord avec le NPD, lequel prévoit une « mise en oeuvre complète en 2025 ». Deux fonctionnaires consultés par La Presse canadienne avaient confirmé cette interprétation.

Selon l’entente de « soutien et de confiance », le programme de soins dentaires doit d’abord être accessible, en 2023, seulement aux mineurs, aux personnes âgées et à celles en situation de handicap à faible revenu. Déjà, depuis l’automne dernier, une Prestation canadienne dentaire avait été lancée pour les frais de soins dentaires d’enfants de moins de 12 ans.

Interrogée sur la confusion en point de presse, la ministre Freeland a parlé d’une approche « étape par étape » sans fournir plus de détails, mentionnant que son collègue Jean-Yves Duclos, à la Santé, aurait plus d’informations à donner.

Une source gouvernementale a ensuite précisé, immédiatement après ce point de presse, que l’échéancier prévu dans l’entente avec le NPD est maintenu.

« Fournir les soins dentaires pour les Canadiens est une chose importante. C’est aussi une chose compliquée et on doit être conscients des besoins et des systèmes divers dans tout le Canada, incluant le Québec. « Nous savons cela », a dit Mme Freeland.

Elle a assuré, du même souffle, qu’Ottawa a un « plan pour l’expansion des soins dentaires (pour que) tous les Canadiens moins nantis aient la possibilité d’utiliser ce système ».

Pour ce qui est du régime de soins dentaires, le budget 2023 permet d’apprendre que son coût estimé va plus de doubler, passant à 13 milliards $ sur cinq ans. Cette enveloppe ira à Santé Canada pour « la mise en œuvre », en plus de 4,4 milliards $ annuellement après cette période.

Compressions

Mais Ottawa entend réduire les dépenses publiques de plus de 15,4 milliards $ sur cinq ans. Essentiellement, le gouvernement compte y arriver avec des compressions dans les montants payés aux consultants – dépenses qui ont récemment fait les manchettes –, mais aussi en « services professionnels et déplacements », des économies estimées à 7,1 milliards $.

Ottawa veut également appliquer une politique d’austérité et ordonnera aux ministères et organismes de réduire leurs coûts de fonctionnement de 3 %. Cela n’affectera « ni les services ni le soutien direct dont les Canadiens ont besoin », a promis Mme Freeland.

Le déficit pour l’année financière 2022-2023, qui était évalué à 36,4 milliards $ dans la mise à jour économique de l’automne, grimpe à 43 milliards $, ce qui représente 1,5 % du produit intérieur brut (PIB). Pour l’année financière 2023-2024, le déficit devrait s’établir à 40,1 milliards $ (comparativement à la prévision de 30,6 milliards $ lors de la mise à jour de l’automne). Et Ottawa fait une croix sur sa projection d’un retour à l’équilibre budgétaire dans cinq ans.

Signe que l’économie ralentit, les économistes consultés par le fédéral projettent que la croissance économique sera de 0,3 % cette année, avant un rebond de 1,5 % en 2024. « Le budget est fondé sur le scénario d’une légère récession, une récession douce », a expliqué aux médias un haut fonctionnaire qui n’était autorisé à parler que sous le couvert de l’anonymat.

Le gouvernement est « très candide » face au ralentissement économique, croit l’économiste en chef chez Desjardins, Jimmy Jean. « Quand on regarde leurs estimations, 0,3 % ça veut dire une récession. Donc, on n’y échappe pas », a-t-il déclaré.

L’ancien conseiller politique auprès de premiers ministres canadiens sous divers gouvernements libéraux, Robert Asselin, aujourd’hui à l’emploi du Conseil canadien des affaires, abonde dans le même sens.

« Ce qu’on voit, c’est un horizon budgétaire beaucoup plus inquiétant, donc des déficits qui restent élevés, des taux d’intérêt sur la dette qui vont vers le haut, donc une dette plus coûteuse à financer », analyse M. Asselin.

Réplique aux Américains

Le gouvernement Trudeau a dévoilé sa réponse attendue à la Loi sur la réduction de l’inflation, le plan du gouvernement Biden qui devrait déployer au moins 369 milliards $ US dans la transition énergétique aux États-Unis.

Ottawa accordera près de 80 milliards $ d’ici 2034-2035 pour soutenir la transition énergétique par le biais de cinq crédits d’impôt. Ces mesures visent les nouveaux projets de production d’électricité, l’adoption ou la fabrication de technologies propres, la production d’hydrogène et le captage de carbone.

Le haut fonctionnaire a résumé que les sommes injectées constituent un « effort substantiel » qui devrait avoir « un impact important » sur l’économie canadienne face aux Américains qui sont qualifiés de « très agressifs ».

Le gouvernement estime que d’importants investissements seront nécessaires pour décarboner l’économie et atteindre ses cibles climatiques. Avec ses différents crédits, il espère stimuler le lancement de nouveaux projets en réduisant leurs coûts. Le ministère des Finances projette que la demande d’électricité va doubler d’ici 2050 au pays.

Les sociétés publiques provinciales auront accès à un coup de pouce du fédéral, un crédit d’impôt remboursable de 15 %, pour les aider à accélérer leurs investissements dans la production, le stockage et le transport interprovincial d’électricité.

Source : Avec des informations de Stéphane Rolland / La Presse canadienne

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