Cinq francophones qui improvisent en anglais. C’était le jeudi 7 février, dans un club de comédie de Bloor et Ossington. Ils s’appellent les Beau-Ties et n’ont pas fini de surprendre leur public.
Un jeune homme en chemise noire, seul sur scène, s’en sort comme il peut, devant un public indulgent. Blagues potaches, expériences personnelles gênantes, blagues sexuelles. Le public rit de temps en temps. C’est un peu le quotidien d’un club de comédie. C’est lorsque le spectacle s’étire et que le jeune homme en chemise noire sort de scène sous les applaudissements polis de la vingtaine de spectateurs que la magie apparaît.
La magie, c’est une chanson. Et cinq interprètes francophones, quatre garçons et une fille, improvisent en anglais. C’est leur concept.
« À l’origine, on a décidé de faire de l’improvisation en anglais pour atteindre un public plus large. Mais surtout, le fait qu’on soit des francophones qui faisons de l’impro en anglais nous différencie des autres troupes d’impro de Toronto, explique Renée-Claude Thériault.
« Nous croyons aussi que c’est une bonne façon de faire connaître la communauté francophone à la communauté anglophone. Vivant à Toronto, nous avons tous des amis qui ne parlent pas français et c’est une façon de rejoindre les deux communautés. »
Et cela marche, puisque pour les voir jouer, ils sont quelques dizaines. Ce qui est très honorable, un soir de blizzard. Les Beau-Ties sont donc des francophones, aux accents qui trahissent des origines différentes : acadienne, franco-ontarienne ou française. « Aucun Québécois », déclarent-ils fièrement. Pour eux, jouer dans leur langue seconde est un défi. Pourtant, avec une élégance distraite, ils parviennent à cacher tout effort. Tout juste devine-t-on plus ou moins facilement une pointe d’accent français.
À la fin de la chanson, le public est conquis. Le reste du spectacle, qui dure environ une heure, se déroule sans anicroche. Les exercices et les jeux s’enchaînent. Les gens rient beaucoup aux facéties de ces quatre francophones, dont le projet a commencé en décembre dernier. Leur utilisation des réseaux sociaux est non seulement un moyen promotionnel, mais s’avère un support artistique. « Nous aimons bien aussi produire des vidéos humoristiques que nous affichons sur notre page Facebook afin d’être présent non seulement sur scène mais aussi sur Internet », raconte Renée-Claude Thériault, qui finit en avril un programme collégial en comédie, au Collège Humber.
Une contrainte sciemment imposée à soi-même et qui devient un stimulant à la création, cela s’est vu dans l’histoire de la littérature, avec l’Oulipo, de Perec, Calvino et Queneau. L’improvisation dans une langue seconde est un processus comparable. « Le fait que l’anglais soit notre deuxième langue donne une autre dimension humoristique à notre spectacle », conclut Renée-Claude Thériault.