Le Métropolitain

Baby Point : un quartier aux multiples facettes

Avant que la brique, l’asphalte et le béton ne s’en emparent, la région où s’étend aujourd’hui la ville de Toronto était une terre habitée par les Premières nations. Telle est l’entrée en matière, incontournable, d’un exposé cherchant à faire un survol historique de la Ville reine, y compris en ce qui touche Baby Point, un quartier résidentiel lové dans une courbe formée par la rivière Humber. C’est à une visite de ce secteur que la Société d’histoire de Toronto, en collaboration avec Heritage Toronto, conviait les passionnés du passé. Lisette Mallet a conduit la visite du groupe d’anglophones tandis qu’Isabelle Montagnier était responsable de la visite en français.

Pendant près de 10 000 ans, les Autochtones en ont été les seuls résidents et ont laissé de nombreuses traces de leur passage. Le mot « passage » n’est pas qu’une figure de style puisqu’un sentier, utilisé par les Amérindiens pour les longs voyages traversant la région des Grands Lacs, passait dans ce qui est aujourd’hui Baby Point. Les premiers occupants du site dont l’histoire a retenu le nom furent les Hurons. Puis, du milieu du XVIIe siècle jusqu’en 1687, un village Seneca se trouvait sur les lieux : Teiaiagon. Ses habitants le désertèrent pour des raisons obscures et le peuple Mississauga fit ensuite progressivement usage de ce site pour y chasser et y faire du commerce. Ce va-et-vient, d’une part, et les établissements permanents, d’autre part, ont laissé leur lot d’artéfacts dans le sol que les archéologues ont retrouvés en grande quantité depuis le XIXe siècle.

Les Français entrent en scène dans la région dès le début de la colonisation européenne. Par exemple, Étienne Brûlé et René-Robert Cavelier de La Salle ont ainsi foulé le sol de Baby Point. Mais ce n’est qu’en 1720 que les Français s’installent durablement sur les lieux. Le site se prêtait bien à la construction d’un fort, en fait un poste d’échange. Au « Magasin Royal », érigé sur les ordres du gouverneur Vaudreuil, les fourrures étaient troquées pour de la nourriture, des munitions, du tabac, des haches, etc. La compétition des Britanniques, au sud, et entre Français, entraîna le déclin du fort.

Avec la Conquête, ce sera au tour non pas des Anglais mais de la famille Baby à s’intéresser à cette pointe de terre aux abords de la Humber. Les Baby étaient déjà des personnages importants dans la région des Grands Lacs. Commerçants prospères et habiles à maintenir leur position sociale, ils amorceront le développement moderne de cette partie de Toronto qui porte aujourd’hui leur nom. Dès 1762, Jacques Dupéront Baby obtint des Britanniques un permis de commerce pour un territoire englobant la rive nord du lac Ontario. Son fils, lui aussi nommé Jacques, devint un membre du cabinet de John Graves Simcoe en 1792. Nommé inspecteur général du Haut-Canada en 1815, il déménagea de Sandwich (Windsor) à York (Toronto) où il fit l’acquisition d’un domaine de 1500 acres au sein duquel se trouvait cette pointe au creux d’un détour de la rivière Humber. Tout au long du XIXe siècle, plusieurs de ses descendants continuèrent à jouer un rôle politique et économique proéminent tant à Toronto qu’à l’échelle de la province.

En 1909, le gouvernement fédéral fit l’acquisition du domaine Baby à des fins militaires mais décida rapidement de s’en départir lorsqu’il devint évident que le champ de tir prévu serait trop près des résidences. C’est finalement un promoteur immobilier, Robert Home Smith, qui acheta ce terrain dans l’ouest de la ville pour le découper en lots résidentiels. Conscient de l’importance historique des lieux, sensible à ses attraits naturels, il aménagea les grandes caractéristiques du quartier avec goût et style et surtout avec l’intention délibérée d’en faire un microcosme architectural typiquement britannique. C’est le Baby Point d’aujourd’hui, riche en résidences de style Cottage et Tudor.

Photo: Le groupe francophone entame sa visite avec Mme Montagnier pour guide.

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