Un café scientifique hautement instructif s’est tenu à l’Alliance française le mardi 3 avril.
Xavier Bigard, médecin militaire, chercheur, conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage ainsi que membre de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, a parlé des limites de l’éthique dans les performances humaines.
Le conférencier a soulevé plusieurs questions, telles « L’amélioration des performances est-elle nécessaire dans le sport? » et « Les éléments d’amélioration des performances sont-ils tous éthiquement acceptables? ». À la première question, le chercheur répond positivement. « C’est l’essence du sport », indique-t-il. Il existe néanmoins un risque de dérives et les méthodes d’amélioration des performances physiques ne sont pas toutes éthiques, loin de là. D’après le professeur, il y a « un usage irréfléchi de certaines avancées technologiques ».
Automatiquement, c’est le dopage qui vient à l’esprit pour améliorer ses performances sportives, une méthode illégale dans le milieu du sport qui a fait la une des médias à plusieurs reprises. Cependant, il existe d’autres éléments cités par le professeur pour améliorer ses performances : l’équipement, la chirurgie réparatrice, les manipulations génétiques, etc. Parmi toutes ces méthodes, lesquelles sont vraiment éthiques?
Les équipements sportifs sont de plus en plus sophistiqués. Ainsi, par exemple, il y a eu une polémique sur les maillots de quelques nageurs aux Jeux Olympiques de Beijing. Certains matériaux utilisés dans la fabrication de ces maillots n’étaient pas homologués et pouvaient avantager les nageurs. Des progrès technologiques sont incontournables mais il est nécessaire que ces matériaux soient disponibles pour tous les athlètes afin de ne pas en avantager un en particulier. Il faut également qu’il n’y ait pas d’effets secondaires sur la santé. Il n’y a donc pas d’opposition éthique selon lui.
Qu’en est-il du dopage médicamenteux ? Pour M. Bigard, cette méthode n’est pas éthique. Des cas de dopage ont été observés de multiples fois dans le sport et notamment dans le cyclisme. Un cas très connu est celui de Lance Armstrong à qui on a retiré ses sept titres du Tour de France en 2012 pour infraction à la réglementation antidopage.
Une autre méthode utilisée à l’heure actuelle est la chirurgie réparatrice, c’est-à-dire la correction d’une insuffisance fonctionnelle, d’un handicap moteur par exemple. C’est le cas d’Oscar Pistorius, athlète paralympique sud-africain, qui courait avec des prothèses aux jambes. « On s’est posé la question si ses prothèses ne l’avantageaient pas », a souligné M. Bigard. Il a pourtant réussi à concourir avec les « valides » aux championnats mondiaux d’athlétisme en 2011.
Dans certains sports comme le baseball, les joueurs se font remplacer les tendons par « des tendons à base de carbone » afin d’assurer une meilleure résistance de l’articulation, du tendon lui-même et ainsi augmenter la charge de travail des articulations. Si le tendon est endommagé, cette chirurgie réparatrice est tout à fait acceptable, mais elle reste discutable si elle est faite de manière préventive, selon le médecin.
Encore plus dangereux est la manipulation génétique. « C’est pour nous une véritable épée de Damoclès parce qu’il y a, d’année en année, des avancées considérables dans le domaine médical sur le remplacement de gènes qui sont déficitaires », glisse M. Bigard.
Des recherches sont faites sur les souris et, pour le moment, ce n’est pas utilisé chez l’Homme. « Le jour où ça rentrera en routine chez les patients, le risque sera considérable », ajoute-t-il. Faire des recherches sur le génome pour guérir certaines maladies est bien normal. Mais d’un point de vue sportif, est-ce éthique? La réponse est non selon le conseiller scientifique. Cette méthode rappelle un peu le film de science-fiction Bienvenue à Gattaca où l’on peut choisir le génotype des enfants, ce qui a pour conséquence que celui-ci ait le moins de défaut possible. Nous n’en sommes pas encore là.
Les scientifiques jouent avec le feu et certains athlètes aussi. Réussir à tout prix, sans se préoccuper des conséquences pour sa santé est excessif. Il est donc nécessaire de savoir ce qui est éthiquement acceptable. Et rappelons-nous que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais).
PHOTO: Xavier Bigard, chercheur et conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage