Le Métropolitain

1813 : la guerre s’installe et n’épargne personne

« À partir de 1813, plus rien ne sera jamais comme avant », déclare Danièle Caloz lors d’une conférence organisée par la Société d’histoire de Toronto (SHT) à l’Alliance française de Toronto. Cette soirée consacrée à 1813, deuxième année de la Guerre de 1812, fut suivie, les 20 et 21 avril, par la visite guidée de deux sites torontois qui furent témoins du conflit.

En 1812, première année de guerre entre les États américains et les colonies britanniques du Haut et Bas-Canada, une atmosphère victorieuse s’était installée au Canada. L’année 1813 allait cependant voir le conflit s’enraciner au sein de ces deux colonies, qui allaient devenir respectivement les provinces de l’Ontario et du Québec, et finir par affecter la population toute entière.

Danièle Caloz décrit ainsi la situation dans laquelle se trouvent les habitants : « Trop souvent, les troupes amies et ennemies se battaient dans vos champs et vos jardins et dormaient chez vous ».

Le sentiment d’euphorie qui suivit les victoires canadiennes de 1812 à Fort Mackinac et Queenston Heights laissa place à la dure réalité de la guerre. Au fur et à mesure que les attaques se succédèrent  sur la série de forts qui s’échelonnent le long de la frontière canado-américaine, longue ligne qui s’étend sur 1600 km de Sault-Ste-Marie à Cornwall, les deux armées vont véritablement faire sentir le poids de la guerre à la population. Un véritable état de guerre va s’instaurer au Canada, avec son lot d’exactions, d’exécutions sommaires, de pillages et de confiscations. Les troupes britanniques et leurs alliés autochtones vont alors connaître une série de revers qui changeront la vie dans les deux colonies pour toujours.

Passionnée d’histoire et ayant fait des recherches approfondies sur la Guerre de 1812, Danièle Caloz a présenté une rétrospective détaillée des événements qui allaient survenir durant la seconde année du conflit. Elle a souhaité mettre l’accent sur la participation notoire des francophones ainsi que sur l’apport des Autochtones lors de la résistance à l’envahisseur. Elle pense que ces deux points sont trop souvent négligés.

Aucun doute possible, les noms de personnages importants tels que Frédéric Rolette, les trois frères Baby (Jacques, Jean-Baptiste et François), Laurent Quetton Saint-George, François Verchères de Boucherville, Dominique Ducharme, Jean-Baptiste Brugière et François Gauvreau ont bel et bien une consonance francophone, preuve que les Canadiens français ont joué un rôle significatif. Danièle Caloz, tire la conclusion suivante : les francophones étaient en fait partout! Il en va de même pour les valeureux guerriers autochtones qui  apporteront un soutien crucial en utilisant souvent la guérilla comme mode de combat, une redoutable tactique qui leur est propre et qui se démarque de la « bataille en rangée » prisée par les Européens. Les Autochtones s’engagèrent aux côtés des forces coloniales avec la promesse de recevoir leur propre territoire. Danièle Caloz estime que 1813 sera malheureusement l’année de la défaite pour les Amérindiens. La mort du grand chef Tecumseh à la bataille de Moraviantown en octobre 1813 annonce la fin de tout espoir d’un état amérindien dans la région des Grands Lacs.

« On a kidnappé la réalité de cette guerre pour en faire un mythe, qui n’a peut-être plus grand-chose à voir avec la réalité justement », ajoute par ailleurs Danièle Caloz. Elle tient aussi à corriger d’autres fausses vérités qui ont été avancées au sujet de la Guerre de 1812.

Au lieu d’être cet événement catalyseur, ce creuset où la « nation canadienne » serait née tout en affrontant l’ennemi, la réalité est en effet peut-être différente.

Mme Caloz souligne que seulement 10 % des habitants du Haut-Canada étaient loyaux à la Couronne britannique. En 1813, l’immense majorité de la population du Haut-Canada était en fait constituée d’Américains qui avaient traversé la frontière durant la Guerre d’indépendance. Leur allégeance à la Couronne d’Angleterre était loin d’être acquise. Certains étaient plus préoccupés par le maintien du commerce frontalier que par des victoires militaires.

Danièle Caloz conclut que 1813 aurait pu voir la disparition des deux colonies britanniques au Canada. En Europe, les Britanniques sont également préoccupés par les guerres napoléoniennes, un théâtre militaire bien plus conséquent que celui aux colonies américaines. Il fallut le courage des soldats canadiens-français lors des batailles de Châteauguay et Crysler’s Farm en octobre et novembre 1813 pour que l’année se termine sur une note plus positive. Partout ailleurs, les forces coloniales furent défaites. Une de ces batailles intéresse particulièrement les Torontois : la bataille de York.

Photo : Danièle Caloz

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